Oryæ n'était généralement pas un amoureux de l'automne, et des sensations qui allaient avec. L'humidité de la pluie, le froid qui rendait malade, la boue qui collait puis séchait sur ses semelles, les bourrasques qui faisaient tomber les fruits des arbres... L'automne était synonyme de dangers multiples, et il préférait de loin rester à l'intérieur. Mais une énième chamaillerie entre ses camarades de dortoir, dont il ne préférait pas connaître le sujet, l'avait amené à abandonner la tour bleue et bronze, et à revenir les pieds sur terre, pour y trouver un peu de calme.

Il avait d'abord tenté de s'asseoir au bord du lac, avec un livre moldu, de la science-fiction cette fois-là. Mais le vent créait dans l'eau des ondes et du mouvement qui le déconcentrait – qui lui disait que ce n'était pas le calamar géant qui venait l'attraper ? – et les nuages sombres à l'horizon lui faisait craindre la pluie. Il avait donc rangé son livre dans son sac habituel, et avait commencé à se diriger vers le château, espérant trouver un peu de calme dans un couloir isolé.

Mais, sur le chemin, il eut une idée : par ce temps, aucune équipe de Quidditch ne devait être sur le terrain (qu'il fuyait habituellement, depuis que Carter avait eu la bonne idée de lui envoyer un cognard en pleine figure). Cela était l'opportunité parfaite pour s'asseoir, au calme, et profiter quand même de l'air frais, sans trop salir ses pieds ou ses pages ! Oui, voilà une bonne idée.

Motivé par son idée, il approcha donc à grands pas de l'endroit, ayant hâte de s'asseoir.

FAITH · EEEEEEH MAIS QUI EST LE VERACRASSE POURRI QUI M'ENVOIE DES COGNARDS COMME CA ?! JE VAIS... JE VAIS FAIRE QUELQUE CHOSE VOILA. ET CA SERA TERRIBLE.

À peine était-il devant le terrain qu'une voix familière se fit entendre. Le propos confirma ses maigres doutes – cela ne pouvait être que son amie. Elle aussi, s'était fait brutalement attaquer en cet endroit ? Qui donc était assez téméraire pour s'entraîner à lancer des cognards par un tel vent ? Pour une fois, cela ne pouvait pas être l'un de ses colocataires. Mais quand même.

ORYÆ · FAITH ! ÇA VA ?

Il se souvenait encore de la douleur qu'avait provoquée le cognard de Carter, et si, à sa voix, Faith semblait aller bien mieux que lui à l'époque, il avait peur de la retrouver en bien pitoyable état. Il se mit donc à courir pour rejoindre l'endroit d'où venait le son qu'il avait entendu, où quelques mots, moins forts et donc incompréhensibles, se faisaient entendre.

Dans sa course, et aveuglée par la lumière grise automnale, un détail échappa à Oryæ ; alors qu'il arrivait tout près de son amie, et fronçait les sourcils en observant une deuxième silhouette (qui cela pouvait bien être ?), son pied se posa sur un bâton, non, une branche, non, un balai, qui était pour une raison pour une raison ou pour une autre posée là. S'il marchait, cela n'aurait pas été très grave, mais sa vitesse fit rouler le balai en question, l'entraînant dans une chute lamentable, dans laquelle il n'eut que ses mains pour se rattraper, plongeant droit dans la boue.

ORYÆ · EH ! Mais qui a laissé son balai traîner là !

Puis, se rappelant la cause de sa chute, il se tourna vers Faith elle aussi le nez dans la boue.

ORYÆ · Faith ? Ça va ? J'ai entendu que tu t'étais pris un cognard et...

Puis, il se rappela la deuxième silhouette, qu'il pouvait désormais identifier comme celle d'une fille brune, dont le visage lui disait quelque chose. C'était une fille discrète, qui était souvent seule comme lui, ou accompagnée d'une autre de leurs camarades. Il n'avait jamais trop osé lui parler, mais elle semblait, elle aussi, s'être écrasée par terre. Décidément, ce n'était pas une bonne journée.

ORYÆ · Eh ! Mais je te connais toi ! Tu t'appelles Lucy... Lucy Autumn, c'est ça ? Attends, non... Je sais qui tu es, tu es assise à gauche en cours de potions... Mais oui ! Lucy Fall, n'est ce pas ?

Puis, se rendant compte de l'ironie de ce nom de famille, alors qu'ils étaient tous trois écrasés par terre dans ce terrain boueux, un rire lui échappa.

ORYÆ · Fall, c'est rigolo comme prénom.

Puis il se reprit, ne voulant pas vexer la jeune fille, connaissant bien les moqueries dont pouvaient être capables leurs camarades, et ne souhaitant pas être assimilé à de telles bêtises.

ORYÆ · Enfin, je veux dire... Moi, c'est Oryæ ! Et elle, c'est Faith. Pourquoi t'es par terre, toi ?

FAITH · Au moins, il est prononçable le sien. Ou il n'est pas maudit par une famille de fou furieux prêt à te trucider pour ça.

Oubliant presque son pantalon plein de boue, Oryæ rit aux plaisanteries de Faith – preuve en est qu'il ne se moquait pas de Lucy Fall, seulement de la situation incongrue dans laquelle ils s'étaient trouvés. Vu la signification de son propre nom de famille, et l'incapacité des britanniques à prononcer la totalité de son nom, il aurait été bien mal placé de sa part de réellement rire du nom de la jeune fille. La tenue de Quidditch de celle-ci semblait d'ailleurs être la cause de leur chute collective, mais bon, Oryæ ne lui en voulait pas. Il avait été si nul en cours de vol qu'il était arrivé à plusieurs reprises que le professeur demande à l'un de ses camarades de le sauver précipitamment d'une chute brutale, et l'ironie faisait que ce n'était jamais un de ses camarades les plus sympathiques qui était désigné. Heureusement, ces années-là étaient loin derrière lui.

FAITH · Elle range son matériel qui veut à tout prix notre mort prématurée.

ORYÆ · C'est vrai qu'entre une famille de meurtriers ou un balai assassin, je choisis le balai sans hésiter !

L'étudiant continuait de rire avec son amie, mais, malheureusement, il semblait que Lucy Fall ne soit pas de ce goût-là. Sa camarade faisait la tête, manifestement peu amusée par les plaisanteries sur les vicissitudes de la famille Fawley-Dubois (en même temps, il est vrai que pour une adolescente non avertie, cette histoire devait paraître plus inquiétante qu'autre chose, et elle avait probablement bien raison).

LUCY · Si vous vous y intéressiez, vous sauriez que ce n'est pas le matériel qui est dangereux mais... AHHHHH !

Oryæ était à deux doigts de compléter la phrase en expliquant à Lucy que la chose la plus dangereuse sur un balai, ce n'était en effet pas le matériel, mais sa présence et celle de Faith Fawley sur le manche, mais des craquements de branche l'obligèrent à tourner la tête. Décidément, l'été était déjà bien loin d'eux, et une tempête automnale était sur son chemin. Elle était d'ailleurs bien proche d'arriver, au vu des morceaux de bois et des glands qui commençaient à voler, et au souffle assourdissant qui passait au-dessus de leurs têtes. Les professeurs à Poudlard n'auraient-ils pas pu les prévenir d'une telle météo ? Certes, la présence de Bilel Soufan et de Carter Spall à l'intérieur du dortoir, et non sur le terrain de Quidditch, aurait dû l'alerter, mais quand même... Il était au moins content de voir qu'il n'était pas le seul à ne pas avoir eu l'information.

Balai en main, Lucy semblait essayer de repousser le vent et tout ce qui l'accompagnait. Oryæ n'était pas très bon en magie, mais il se doutait que cela fonctionnat. Ou alors, Lucy était vraiment très très forte. Il ne préférait pas tester ça maintenant, sa vie était déjà trop menacée par des méchants mages noirs et des balais aux intentions toutes aussi vicieuses pour se trouver un ennemi chez les arbres aussi. Il jeta un coup d'œil à ses deux camarades avant de leur faire part de son idée originelle :

ORYÆ · On devrait aller se réfugier dans les vestiaires avant que ça empire !

Pointant du doigt la destination en question, il fit quelques pas pour mettre en œuvre son propos. Mais il ne voulait pas s'y retrouver seul, et peut-être qu'il y avait une idée encore meilleure qu'il ignorait – après tout, il ne passait pas beaucoup de temps sur ce terrain. Alors, d'un regard interrogatif, il se retourna pour voir ce que les deux autres pensaient.