* Lily venait tout juste de sortir de son cours d'Histoire de la Magie qu'elle avait trouvé passionnant ! Elle savait pourtant que nombre d'élèves n'aimaient pas ce cours. Pourtant, l'aiglonne ne voyait pas ce que les enfants pouvaient détester dans cette matière. Comment peut-on trouver ça ennuyant de savoir ce qu'ont accompli nos ancêtres ? La jeune fille voyait plutôt cette discipline comme un voyage dans le temps. Dans le passé. Un retour en arrière vers ce qui s'était passé il y a bien longtemps. L'histoire permettait de mieux comprendre l'évolution du monde, des sorciers, de la magie.

La Serdaigle se rappelait de ces cours d'histoire qu'elle avait suivi un temps, dans une école Moldu. La préhistoire, l'Antiquité, le Moyen-âge , ... Toutes ces personnes qui ont vécu a une autre époque, dans un monde si différent.
Un instant, elle se sentit nostalgique. Elle repensa à ses parents, à cette école, à ses anciens amis qu'elle n'avait pas revu depuis longtemps et qu'elle ne reverrait sans doute pas de sitôt.

La bleue et bronze marchait dans les couloirs, perdue dans ces pensées. Elle avait l'impression que plus rien n'existait autour d'elle. Cette sensation d'une bulle silencieuse qui t'enveloppe quand tu ne fais pas attention à ce qui t'entoure.
Elle sentit soudain quelque chose. Où plutôt quelqu'un, qui avait percuté ses pieds et qui s'était retrouvé en moins d'une seconde par terre. Cette chute fut accompagnée d'un petit cri. Ce gémissement sortit Lily des profondeurs de son esprit et elle recula par réflexes.

Ce n'est qu'à ce moment là qu'elle réalisa vraiment ce qui venait de se passer. Un garçon qui avait environ le même âge qu'elle était tombé, ou plutôt, avait trébuché sur ses pieds. Alors qu'elle regardait le jeune Serdaigle, elle aperçut une larme qui coulait lentement sur ça joue, comme une perle. L'aiglonne s'empressa de dire quelques phrases : *

- Oh, excuse-moi ! Je... J'ai pas fait exprès, je voulais pas...

* Elle tendit sa main pour aider le bleu et bronze à se relever. *

- J'espère que tu ne t'es pas fait mal. C'est de ma faute, j'aurai dû regarder où j'allais au lieu d'être distraite.

* Comme d'habitude, ses joues étaient devenues rouges. Elle avait honte et était gênée. La petite fille espérait que le garçon ne s'était pas fait mal et qu'il ne lui en voudrait pas pour la maladresse dont elle avait fait preuve. *

- Oh, excuse-moi ! Je... J'ai pas fait exprès, je voulais pas...

Lemony est encore sonné. Il voit son encrier rouler, sa plume sortir, et surtout son propre cri résonne encore à ses oreilles. Ses chevilles qui tremblent.
Et ses mains, bon sang ses mains, auxquelles il n'a absolument pas fait attention et qui sont en train de battre pitoyablement comme s'il était un oisillon qui espère s'envoler.

Je sais ce que tu es.
La voix de ce Précepteur remplit son cerveau. Il arrive à peine à penser à autre chose à part...
A part le sourire en coin complètement satisfait de son oncle.
Parce que Lemony, ce qu'il est, ses actes, Lemony tout entier est une victoire d'Onyx sur Jade, sur sa mère. Après tout, elle a enfanté cet enfant. Lui.

Lemony tremble de tout son corps.
Depuis qu'il est entré à Poudlard. Ses mains se rebellent, ses chevilles se croisent ou remuent, il doit faire plus attention que jamais à sa foutue démarche.

La petite fille qui lui tend la main est toute rousse, et il est évident qu'elle veut l'aider à se relever.
Mais même ça, Lemony n'ose pas. Il ne fait pas confiance à son corps.
— J'espère que tu ne t'es pas fait mal. C'est de ma faute, j'aurai dû regarder où j'allais au lieu d'être distraite.
Il note la robe bleue, l'écusson avec un aigle. Elle appartient au dortoir des filles ; il ne l'a jamais croisée dans son dortoir mixte.
Oh, le dortoir.
Les autres.
Il n'a même plus de chambre sécurisée pour s'autoriser à juste oublier tout son corps, pour que sur lui le regard des autres n'existe plus. Lire, écrire, étudier sans se poser de questions, voilà des semaines que ce n'est plus possible.
A partir du moment où il a mis les pieds à Poudlard, ça n'a plus été possible.
Pas étonnant qu'il soit aussi épuisé. Sur les nerfs.

RECIPROQUE ! vocifère Jade parce que oui, il se contente de regarder la main, de se perdre dans ses pensées.
Le souvenir des règles qui tapent ses mains est encore vif sur ses doigts.
L'enfant regarde la Serdaigle qui est écarlate et embarassée. Et il ne peut pas laisser passer ça. Il a ses leçons à coeur.
— Non, dit-il fermement.
C'est la seule chose qu'il arrive à baragouiner parce que sa gorge se serre. Il inspire profondément.
— Tu n'y es pour rien. Je suis entièrement responsable de ce désastre. Je suis navré. Je te demande de m'excuser.
C'aurait sans doute été rassurant si les larmes n'étaient pas en train de dévaler complètement ses joues.

Lemony opte pour la stratégie qui a déjà payé : s'il ignore les larmes, les autres feront peut-être de même ?
Alors il inspire profondément et il offre un sourire amusé à la petite fille, plein de l'autodérision nécessaire à un Noble.
— Eh bien, je vais de voir ramasser... tout ça. Dans une position peu digne, j'en aie peur.
Sourire, utiliser la malice.
Oui, sauf que son poignet vient littéralement de se casser en un angle équivoque sur le "tout ça".
Ca se voit, Lemony, lui rappelle son cousin dans son esprit. Tu es maniéré. Et c'est tout, c'est comme ça.

L'air a beaucoup de mal à rentrer dans ses poumons. Il est tenté de prendre la main de la Serdaigle pour se relever et juste laisser son bazar sur le sol. Les elfes sont là pour nettoyer, après tout. Sans compter qu'il a amplement l'argent pour racheter des fournitures.

L'angoisse creuse son ancre et son étau dans son être.
Il y a bien une issue, si son analyse de la jeune Serdaigle ne le trompe pas. Récupérer son rang, la traiter comme les abrutis de Sang-Purs traitent les autres : regard dédaigneux, haine, dégoût, commentaire sur l'odeur... petite menace, insultes. Lui indiquer où est sa place.
Ouais. Et risquer de vomir pendant deux jours à chaque fois qu'il y repensera. Superbe idée. Ce n'est pas lui, et il n'ira pas contre ses idéaux.

Donc... une hanche plus haute que l'autre, les joues inondées et tout son corps endolori, Lemony est perdu.
Et il éprouve la terrible sensation que ce moment sera une boucle infini dont il ne se sortira pas.