Tu vérifies plusieurs fois l'adresse sur le papier et le plan que t'a confié l'administration. Quand tu as signé pour devenir professeur à Poudlard, tu ne pensais pas que tu allais aussi être de corvée né-moldu. Enfin, ce n'est pas le nom officiel de ta mission, bien sûr, mais à l'origine, tu avais prévu d'étudier les parchemins khmers excavés par ton ami archéomage, pas d'arpenter l'Angleterre pour annoncer à des parents hébétés que leur progéniture possède des pouvoirs magiques. Enfin...

Tes premiers rendez-vous se sont bien passés. Les lettres officielles, ton costume moldu bien taillé et une petite démonstration de tes pouvoirs - rien de grandiloquent, juste une petite lévitation, tu n'aurais pas pu faire plus sans baguette de toutes façons - ont suffit à convaincre les parents. Les rendez-vous pour la visite sur le Chemin de Traverse sont pris pour mi-juillet, et tu n'as plus qu'une visite à faire avant de pouvoir retrouver tes quartiers et ton lit.

Cette dernière famille, cependant, semble plus récalcitrante que les autres. Et par malheur, l'enfant n'est pas là. C'est toujours plus difficile quand l'enfant n'est pas là, t'ont confié tes collègues. Les jeunes nés-moldus sont toujours prompts à poser des questions qui rappellent à leur famille qu'ils ont, en effet, toujours été un peu particulier. Et quand j'ai fait ça, c'était de la magie ? J'ai fait ça l'autre jour, c'est parce que je suis un sorcier ?

Ici, tu n'as fait face qu'aux mines bougonnes et aux airs dubitatifs, presque vengeurs, d'une famille Churchman aux abois. Visiblement, la sorcellerie, ce n'est pas quelque chose de célébré ici. Heureusement, alors que tu peines à supporter le long silence et les mines assassinss, la porte s'ouvre et entre le petit Corvus, les cheveux en bataille et le regard un peu perdu.


Tu retiens ton souffle. Comment va réagir le gamin ? Et surtout, vas-tu échapper aux doigts crochus de la grand-mère qui semble prête à t'arracher les yeux ? Si le pire vient à arriver, songes-tu, tu as toujours une petite fiole dans ta poche qui pourras te tirer d'affaire...

L'assiette se brise au sol, t'arrachant un sursaut de désagrément. Vu la réaction des parents, ce n'est pas une affaire gagnée d'avance. Clairement, tu détonnes ici, et pas juste parce que ton accent éthiopien tranche sur l'anglais des Churchman. Cependant, ce n'est que quand tu vois les larmes couler sur le visage du petit Corvus que tu te mets réellement à paniquer. On ne t'a certainement préparé à ce scenario. En une minute à peine, tu es passé d'un être suspicieux à un indésirable insultant qui doit être chassé à coups de canne.

Et, une minute plus tard, tu regardes hébété l'étagère en morceaux et la porte ouverte par laquelle s'est échappé le mouton. Par Ezana, le gamin est puissant ! Rien à voir avec toi et tes maigres pouvoirs. Cependant, un coup d’œil au paternel t'informe que tu es bien le seul à être épaté par la réaction du gamin. Ses pouvoirs vibrent encore dans l'air, résonnant avec la magie qui parcourt ton propre corps, et tu prends une profonde inspiration avant de reprendre la parole et, tu l'espères, le contrôle de la situation :


Tu t'agenouilles devant Corvus et lui tends un mouchoir brodé de motifs animaliers pour sécher ses larmes. Dans ta poche se trouve aussi la lettre de Poudlard, toute de parchemin daté et de symboles que les Churchman trouveront probablement trop mystiques pour ne pas être démoniaques. Une honnête famille de croyants, a dit le père. C'est peut-être sur cette corde que tu dois jouer.


Pour preuve de ce que tu avances, tu lèves ta main gauche, où tu portes la bague familiale, ostensiblement ornée d'une croix. Évidemment, M. Churchman n'a pas besoin de savoir que tu n'es pas vraiment pratiquant. Tu souris avec amabilité, prêt à tout pour amadouer l'homme, et avec lui toute la famille ; prêt à tout pour éviter que la situation ne dégénère encore plus, mettant à mal tes compétences magiques.


Et sur ces mots, tu te signes et joins les mains. Ce que les Churchman ne savent pas, évidemment, c'est que ce geste te permet également de leur lancer un charme de paix. Tu ne sais peut-être pas transformer une statuette en mouton, mais tu as toujours su t'attirer la sympathie des gens autour de toi - avec, parfois, l'aide de la magie. Tu laisses le sort faire son effet et tes paroles résonner quelques secondes avant de continuer, d'un ton plus doux :

Corvus et sa famille semble commencer à s'habituer à l'idée de la magie et de Poudlard. Tu pousses un soupir de soulagement intérieur, même si, de toutes évidences, tu es loin d'avoir résolu le problème. Enfin, au moins, ils n'ont pas l'air de chercher à te rosser le dos - et c'est une sacrée victoire.

Tu t'agenouilles au niveau de Corvus pour le regarder les yeux dans les yeux et prends une de ses mains entre les tiennes, jointes comme pour une prière commune entre le petit garçon et toi. Tu veux le convaincre lui, avant tout, car même si ses parents ne sont pas d'accord, il est essentiel que lui veuille rejoindre Poudlard. Surtout, d'ailleurs, si ses parents ne sont pas d'accord.


Tu souris au jeune sorcier, pour essayer de le convaincre de sa propre importance. S'il se sent investi, il défendra de lui-même l'idée de Poudlard, et de la magie, et de tout ce qu'il doit savoir être vrai au fond de lui. Tu relèves les yeux vers le père pour répondre à ses questions :


Tu te relèves pour faire à nouveau face au père Churchmann, les épaules légèrement courbées pour te faire paraître moins grand, moins imposant, par rapport à l'homme auquel tu fais face. Tu est un exemple d'humilité et d'obéissance - même si, dans les faits, tu restes alerte et prêt à intervenir si les choses s'enveniment.


Tu en fais peut-être trop, songes-tu. Ou pas assez. La famille Churchmann semble si... engagée, que tu ne penses pas pouvoir singer leur niveau d'extrémisme. Appeler un exorciste ? Qui a un exorciste sous le coude, prêt à intervenir à la moindre occasion ? Serein malgré tout, tu écartes les mains en signe de paix et conclus ta tirade :

Tu t'apprêtais à affronter l'exorciste du coin - d'ailleurs, quel genre de coin garde un exorciste sous le coude ? Tu devrais noter l'adresse pour être sûr de ne jamais remettre les pieds dans le quartier - quand la grand-mère du petit Corvus s'interpose. Tu as presque envie de la serrer dans tes bras pour la remercier de prononcer les premières paroles sensées que tu as entendues depuis ton arrivée dans cette maison de fous, mais tu te retiens. Ce ne serait probablement pas chrétien, après tout.

Tu gardes donc, extérieurement, la même contenance calme et mesurée, égale, d'ailleurs, à celle de la grand-mère, dont le visage affiche la plus proverbiale sérénité anglaise - trahie seulement par le léger clin d'œil qu'elle t'a lancé avant de t'inviter à parler avec elle. Tu salues Corvus et ses parents d'un signe de tête avant de suivre la vieille dame à l'extérieur.


Tu te demandes ce qu'elle a derrière la tête. De toute évidence, si le père Churchman a une certaine emprise sur sa femme et son fils, celle-ci fond comme neige au soleil face à l'autorité maternelle. Finalement, ce n'est peut-être pas lui qu'il faut convaincre - même s'il faudra, de toutes évidences, qu'il acquiesce pour que le petit Corvus puisse venir à Poudlard. Une fois dans la rue, tu jettes donc un nouveau coup d'œil à la vieille femme, que tu observes désormais sous une nouvelle lumière.

Tu t'attendais à plein de choses - mais ça ! Qu'Arabelle Churchman, mère de l'homme qui a proposé de t'exorciser, te dise avoir espéré que son petit Corvus possède le don ? Si on t'avait dit, ce matin, quand tu es parti de Poudlard, que tu devrais jouer les équilibristes au sein d'une communauté ultra-religieuse pour recruter un élève, tu aurais ri aux éclats. En tous cas, tu auras certainement l'histoire la plus rocambolesque à raconter ce soir pendant le dîner avec le reste de l'équipe professorale.

Surtout quand Arabelle embraye pour te parler du petit Billy, un parfait inconnu qui a apparemment des problèmes d'incontinence. Est-ce que tout le monde sait tout sur tout le monde ici ? Probablement... Tu as intérêt à annoncer un truc glorieux aux Churchman, officiellement, pour éviter que les ragots courent sur le dos de Corvus pendant l'été. Les rumeurs pourraient effrayer sa famille et le tenir éloigné de Poudlard.


Tu es soulagé de pouvoir au moins échanger de façon plus ouverte avec la vieille Arabelle. Tu espères sincèrement que ce n'est pas un piège de sa part, mais tu la penses honnête. Et tu vas l'être aussi, en retour.


Vous faites le tour du pâté de maison, sans que tu n'oses trop poser les questions qui te brûlent les lèvres. Arabelle est-elle une sorcière ? Une Cracmolle ? Comment s'est-elle retrouvée là, dans cette communauté si croyante ? Croit-elle en Dieu avec la même ferveur que son fils ? Pour l'instant, tu préfères lui parler à mots couverts de Poudlard, de la beauté de l'école, du programme de Potions, de l'extraordinaire camaraderie des élèves... Tu évites soigneusement de prononcer le nom des maisons - tu n'as toujours pas appris à les dire correctement.