Les bottes de la sorcière faisaient crisser le gravier à chacun de ses pas. Le temps était étonnamment clément en comparaison de ce qu'avait indiqué le journal moldu qu'avait l'Écossaise sous le bras. Peut-être était-ce sa terre natale qui célébrait le retour de la sexagénaire à la maison ? Oh non, elle n'était pas d'Aberdeen, ce qui était le cas de l'enseignante qu'elle s'apprêtait à rencontrer, mais l'Écosse était la terre qui l'avait vu naître et grandir. Et même en rejoignant Poudlard elle ne l'avait pas quittée donc.

Arrivée plus tôt que prévu (même si c'était volontairement involontaire pour être tout à fait honnête), l'ancienne Serpentard en avait profitée afin de se perdre dans les rues d'Aberdeen, et avait pris un thé. Pas le meilleur des thés, mais pas le pire non plus. Mais toute les bonnes choses ayant une fin, la voilà désormais en route pour le Manoir St.James. La simple vue du bâtiment duquel elle se rapprochait fit naitre une réflexion dans l'esprit de la Crowley : les moldus étaient-ils aussi aveugles que ça ? Une famille de sorciers parvenaient à se développer, à prospérer sous leurs yeux, et ils ne comprenaient pas qu'il y avait anguille sous roche ?

- Hmhm.

Un léger raclement de gorge, un réajustement des vêtements, et la sorcière, s'assurant d'être seule, donna un premier coup de baguette sur la grille. Il fallait toujours jauger les défenses d'un sorcier ou d'une sorcière. Il y eut ensuite un autre coup de baguette, non pas pour ordonner l'ouverture de la grille, mais pour se faire connaître à la maîtresse des lieux.

Les gens sont bien élevés en Écosse, voyons.

Un elfe, non, un vieil elfe, franchit la porte. Sans piper mot il fit s'ouvrir le portail et la sorcière pu avancer sur le petit sentier vers l'entrée du manoir St.James. Elle n'avait jamais connue ça, elle qui était la fille d'une moldue banale, et l'orpheline d'un sorcier banal. À vrai dire, elle n'avait même pas eu d'elfe non plus. Le peu qu'elle avait côtoyé avait toujours appartenu, puisque visiblement il s'agissait non pas d'être mais de biens, à autrui. À Poudlard, à ses anciens clients... et dorénavant au Ministère, ou aux divers suspects et témoins. Mais jamais un elfe à elle. Mais que ferait-elle d'un elfe à elle ?

La créature, d'une voix aussi traînante que sa peau de plus en plus détendue par l'âge, s'adressa alors à la sorcière. Jean Crowley haussa un sourcil :

- Je ne savais pas qu'on autorisait les elfes à s'adresser aux sorcières ici.

La Formatrice, qui avait baissé la tête pour regarder le gardien des lieux dans les yeux, releva son chef quand elle entendit un bruit de talons dans la demeure vide. À quoi pouvait servir telle demeure si on était seule ? La Crowley avait décidément du mal avec les notables du Monde Magique...

- Oui, Aerin peut m'aider. En m'annonçant. Jean Crowley.

Et la sexagénaire se redressant, toujours sur le perron de la demeure tandis que les bruits de pas se rapprochaient.

C'était un très grand escalier. Ou un très grand hall d'entrée. Ou les deux.

Si, jusque-là, Jean avait été très courtoise, elle ne put réfréner le regard noir qui fusilla l'elfe, bien que ce dernier ait le dos tourné. Une chance qu'elle soit entièrement maîtresse d'elle-même.

Mais elle dû faire disparaître cette expression de son visage, bien que la sévérité et la rigueur semblait y avoir une empreinte permanente. Ceux qui connaissent son passé d'enseignante privée proposeraient alors une minute de silence pour toutes les marques que cette sévérité et rigueur ont également laissées chez les autres.

Mais quoiqu'il en soit, la sexagénaire afficha un sourire aimable face à la politesse de la maîtresse de maison.

- Merci pour votre accueil, et votre politesse. Cela me rassure de voir que ça ne s'est pas perdue. Mon nom est J...

La sorcière se coupa net. Face au bruit, elle avait tourné la tête et la même expression que lorsqu'elle avait dévisagé le dos fripé du vieil elfe réapparut. Mais il ne s'agissait que d'un elfe, un autre, mais qui semblait empoté physiquement, et non socialement cette fois.

- Ne vous excusez pas, vous n'y êtes pour rien. Je suis tout de même étonnée de voir le comportement de vos elfes.

La dénommée Greyne s'était réfugiée hors du champ de vision des deux sorcières, sans doute dans une pièce privilégiée des elfes de maison du manoir, à s'infliger des sévices à hauteur de sa faute. Constatant qu'à moins que le luminaire ne leur tombe dessus, ou que le sol se dérobe sous leurs pieds, rien cette fois ne devrait l'interrompre, l'Auror reprit :

- Comme je le disais, je m'appelle Jean Crowley, je travaille pour le Ministère Britannique de la Magie. J'aurais aimé pouvoir m'entretenir avec vous, simplement pour vous poser quelques questions ne vous inquiétez pas.

Un sourire écarlate, de la couleur de son rouge à lèvres, se dessina alors sur le visage strict de la femme. Peut-être était-elle plus élégante qu'elle ne souriait pas en fin de compte ?

- Pourrais-je suggérer un endroit plus adéquat et confortable pour discuter ?

La sorcière sourît en retour et se laissa guider en direction du salon. Un salon plus grand et plus luxueux que le sien. Mais pourquoi aurait-elle eu besoin d'un salon plus grand et plus luxueux ? Elle ne recevait personne, et passait elle-même bien peu de temps dans son propre salon.

Refusant le divan, l'Auror s'installa sur un des fauteuils, avant de refuser la proposition de prendre une tasse de thé que venait de lui faire la Directrice de Serpentard. Et puis, si c'était cette empotée qui le préparait (ou pis encore : ce nabot désagréable aux oreilles pointues), elle ne voulait pas attraper la dragoncelle.

- Non merci, j'ai déjà pris un thé à Aberdeen. Me remémorer les rues écossaises m'a fait le plus grand bien.

Elle voulait surtout ne pas se faire empoisonner. Ou pire encore, boire du thé de mauvaise qualité. Les gens d'aujourd'hui ne savaient plus ce qu'était du bon thé. Mais le Crowley ne devait pas se laisser distraire de l'objet réel de sa visite. Ni en révéler la réelle et totale teneur :

- Alors que je triais des documents à archiver, un nom est ressorti. Celui de Whilemina Compton. Une grande sorcière. J'aurais aimé savoir ce que vous savez d'elle. Rien de plus, rien de moins.

La sorcière arqua un sourcil. Venait-elle réellement de lui demander si elle aimait l'Écosse ? Jean ne venait-elle pas de dire qu'il était plaisant de retrouver les allées de cette nation, avec entrain ?

- Évidemment que j'aime l'Écosse. Seuls les Londoniens peuvent ne pas aimer l'Écosse.

Les mains sur les jointes sur son ventre, assise de trois-quarts, la sexagénaire écouta alors les propos de son interlocutrice avec un intérêt visible dans ses yeux. Elle n'avait alors pas commencé son entraînement à l'Occlumancie avec sa collègue, la Professeure Hartley. Dommage pour elle, cela risquait fort de la desservir.

En tout cas, si Hellia St.James n'avait rien appris à l'employée du Ministère quant à Whilhemina, elle venait de lui dire beaucoup quant à elle-même. Elle était une menteuse. Ou du moins, elle n'hésitait pas à garder les informations pour elle-même. Mais Jean voulait obtenir plus d'information. Elle sentait quelque chose au fond d'elle, au plus profond de son elle.
Non, en fait, elle devait obtenir plus d'informations.

- Vous n'êtes donc pas sans savoir à quel point, cette sorcière peut être dangereuse. Le Magenmagot l'a faite enfermée dans la plus sécurisée des prisons, perdue dans la Mer du Nord.

Jean Crowley commença alors à parler sur un ton, le même qu'on utilisait pour les confidences sincères et indiscrètes, s'asseyant un peu plus au bord de son siège pour faire mine de se rapprocher de la maîtresse des lieux.

- Il me faut la retrouver Professeure. Avant que ce soit elle qui retrouve sa fille. Quel âge a-t-elle aujourd'hui ? Dix-sept ans ? À peine majeure ?

Non, elle n'avait pas dix-sept ans, mais l'erreur était volontaire. En la rectifiant, en donnant un âge inférieur (et donc, plus jeune) à celui indiquait par l'Auror, la St.James ne ferait qu'appuyer le mélodramatique de ses propos.

Ignorant l'elfe qui avait visiblement besoin qu'on lui rappelle les bonnes manières, Jean perdit son sourire et ses airs aimables en deux temps. Tout d'abord quand la St.James lui répondit, sèchement, qu'elle savait où se trouvait Azkaban.

- Je peine à me remettre de cette information. Une femme de votre rang, qui s'intéresse à des histoires aussi macabres pour savoir où se situe Azkaban ?

L'air faussement étonné avait volontairement été exagéré. Mais la sorcière avait raison sur un point : le Ministère n'aurait pas dû laisser Compton-Mère en liberté. Jean ne savait ni comment ni pourquoi elle avait été relâchée, et à vrai dire, tout cela n'aura plus d'importance si elle parvenait à poser ses griffes sur elle.

- J'abonde en votre sens. Je ne sais qui a donné l'ordre de libération, et ce n'est pas mon travail de le savoir. Chaque personne à ses propres missions, et champs de compétences, et doit savoir s'y tenir. Je suis sûre que vous comprenez cela. Ma mission est de savoir où elle est.

Enfin, les airs amicaux (aussi peu réussis qu'ils pouvaient être) que s'était efforcée d'afficher la Crowley disparurent complétement quand la St.James commençait à se moquer d'elle. Elle lui mentait, en réutilisant le même ton faussement confident qu'elle venait d'employer envers la Directrice de Maison. Elle aurait pu lui rire au nez, l'effet était le même pour Jean, qui se sentit insultée.

Alors qu'Hellia se levait pour examiner ses carreaux (et au passage y faire d'immondes traces de doigts - les sang-purs ne sont plus ce qu'ils étaient), la Formatrice fit de même. Mais elle ne s'approcha ni de la maîtresse de maison, ni de ses vitres qui donnaient sur la verdure. Elle ne s'approcha pas non plus des boissons et gâteaux. Elle partit dans l'autre sens, allant examiner les murs, les moulures. Tout en répondant bien évidemment aux propos de son interlocutrice.

- Je ne pensais pas que vous vous abaisseriez au mensonge, vous, une femme pourtant si respectable. Vous êtes Professeure à Poudlard, d'une matière du tronc commun, si mes notes sont exactes. Vous êtes Directrice de la Maison Serpentard, et il y a de fortes chances que la fille de Whilhemina s'y trouve.

Passant un doigt sur un meuble, la sorcière marqua une pause dans ses propos pour aviser de la poussière qui stagnait visiblement dans les petits recoins.

- Et même si cette pauvre enfant avait été obligée de changer de nom, les enfants sont plus cruels que leurs parents. Vous auriez entendu des rumeurs, et vous auriez facilement su qui était la fille de cette... monstruosité.

Emportée par son propre discours, Jean Crowley avait prononcé cette dernière parole avec une expression de dégoût sur le visage. Les lycanthropes, elle ne les portait pas dans son coeur.

- Vous pourriez donc m'être utile en me disant la vérité Professeure. Ou m'annonçant clairement que vous préférez laisser cette sorcière seule face à sa génitrice. Au moins, je serais fixée et je pourrais partir en sachant que vous êtes de ces enseignants abandonnant leurs élèves à leur sort.

Délaissant les formes du tapis, les yeux de la Crowley se rivèrent donc sur son hôte. Droite, les bras croisés sous sa poitrine, l'Auror attendit patiemment la réponse de l'héritière de la famille St.James.

- En avant euh...

- Weefy Madame, weefy ! Madame a encore oubliée le nom de Weefy ? C'est que Weefy ne mérite pas l'attention de Madame...

La sorcière leva les yeux au ciel. Vêtue d'une immonde robe rose couverte de stress, Jean s'observa une dernière fois dans le miroir. Elle n'était plus la même femme : ses yeux étaient devenus d'un bleu clair, ses cheveux blonds soigneusement coiffés, avec plus d'attention qu'elle ne s'accordaient. Elle était une autre femme. Littéralement. La voilà devenue Mademoiselle Doremina Davenport. Quant à la véritable Doremina Davenport, elle se réveillerait en petite culotte et sans baguette au milieu des bois.

Certes ce comportement n'était pas digne de Jean Crowley, indépendamment de son rôle d'Auror ou non. Mais ce soir, Jean Crowley n'était pas aux commandes. Ou du moins, plus réellement. Peut-être était-ce pour cela que son teint était étrangement pâle, malgré la grande goulée de Polynectar aux senteurs de rose qui aurait dû lui donner un teint de poupon ?

- Allez, en avant, je n'ai pas que ça à faire. Emmène-moi là-bas... Weefy.

Weefy était l'elfe un peu... différent, de Mademoiselle Davenport. Un elfe à la loyauté sans faille ceci dit, même s'il n'était pas sûr qu'il se souvienne d'à qui revenait sa loyauté. Weefy était... un peu lent. Mais il remplissait toujours très bien son rôle. C'est pourquoi, dans un craquement sonore, il emmena "Mademoiselle Davenport" vers une soirée privée.

- Miss Davenport, et son elfe !

La sorcière délaissa son carton d'invitation et se glissa dans le hall. Un hall qu'elle n'appréciait pas. Trop blanc, trop impeccable et trop lumineux. Tout ce faste qui servait à dissimuler les pires impuretés des propriétaires. À cette pensée, Crowley eut le réflexe de retrousser son nez l'espace d'un instant. Mais elle ne devait pas oublier qui elle était ce soir.

Sourire. Doremina Davenport sourie, donc Jean Crowley allait devoir travailler ses zygomatiques ce soir.

- Oh ! fit-elle en virant dans les aigües Comment allez-vous depuis tout ce temps ? Il est tant que se revoie, non ? Dit-elle à un parfait inconnu chauve et bedonnant.

Traversant le Hall, l'imposteur qu'était la sexagénaire se retrouva dans la salle de réception, centre névralgique de la soirée. Leur hôte devrait s'y trouver, en toute logique. Mais nulle trace de Miranda.

- Doremina, Doremina !

Ces appels, il s'agissait de ceux d'une sorcière à peine majeure vue sa physionomie, qui accourait vers elle.

- Doremina, toi qui ne devait pas venir, je ne pensais pas te voir ici. Il faut à tout prix que tu ailles faire la surprise à Miranda, elle sera ravie. Euh, je crois qu'elle est partie par là.

Un sourire se dessina alors sur le visage "Doremina", qui partie vers un couloir.
Si toutefois elle avait appris que sa cible ne se trouvait pas là, elle n'avait pas remarqué ce qui y était : un large serpent sombre.

- Mais qui peut survivre avec ça...

Si les Aurors étaient entraînés à diverses choses, passer d'une robe des plus basiques à une robe de soirée courte et épousant les formes n'en faisait pas partie. Et Jean n'aimait pas la robe. Et elle était tellement concentrée sur la haine de son vêtement qu'elle ne vît arriver le mondain bedonnant face à elle, qui lui barra le passage de toute sa largeur.

- Doremina, mon enfant, ça fait bien trente seconde que je vous cours après !

Et on ne pouvait que le croire, quand on voyait son épais crâne dégarni couvert de gouttes de sueur. Et puis, c'était que ce "mon enfant" ? Jean avait au moins vingt ans de plus que cet oeuf d'autruche parlant ! Mais Doremina non. Doremina était jeune. Toutefois, Doremina connaissait cet individu, et Jean elle, non. Et elle n'avait pas prévu de s'arrêter à tous les couloirs pour parler aux invités de sa victime future.

- Oh, navrée. Peut-être pourrions-nous discuter dans quelques minutes. Urgence de sorcière !

Et, en imitant bien maladroitement ce qui devait être un rire insouciant de jeune mondaine insouciante, l'Auror s'arrêta soudainement en voyant au loin un visage qu'elle n'avait pas prévu de reconnaître. Normalement, elle ne connaissait que la maîtresse des lieux. Mais là, elle reconnu quelqu'un d'autre. Hellia St.James verrouillant une porte.

En son coeur, la Crowley sentit des serres obscures se refermer sur son coeur. Déjà sous l'emprises des ténèbres qui gangrénaient son âme, le semblant de contrôle qu'elle exerçait sur elle-même disparurent. L'air s'emplit d'une odeur nouvelle, une senteur, un parfum. Plus encore : un goût inconnu de la Mage Noire. La Directrice de Serpentard avait ce quelque chose de spécial et de nouveau qu'elle voulait découvrir.

Se recoiffant à la va-vite dans le reflet d'un vase en argent, la fausse-fausse-blonde s'approcha de la pièce scellée magiquement par l'enseignante tout en faisant "tomber" une de ses boucles d'oreilles dans un pot de fleurs.

- Excusez-moi, je crois avoir perdue une boucle d'oreille ici.

Et alors, la formatrice voulu ouvrir la porte, s'étonnant de la trouver close avec ses talents d'actrice. Il faut dire que jouer la privilégiée idiote était à la portée de tous...

- Bah mince alors, tout alors avec Andrew on est entrés sans problème hihi...