* Opale soupira et se regarda furtivement dans un des immenses miroirs du Palazzo. Elle n'aimait pas être en robe de soirée, celui lui rappelait l'époque où sa famille la traitait comme un joyau inutile, juste bon à être échangé en échange de pouvoir. La mage noir aimait être à l'aise, se mouvoir avec fluidité et discrétion. Elle aimait être dans l'ombre, ne pas attirer l'attention, frapper avec perfidie. Ce poste de ministre adjointe était donc à ses yeux semblable à une prison dorée. Chaque tenue qu'elle portait, chaque mot qui sortait de sa bouche étaient soigneusement analysés par une multitude de journaliste. Opale avait perdu l'habitude de lire la gazette, tant les bêtises qu'elle lisait sur elle avait le don de lui faire perdre patience. C'était là le prix du pouvoir et l'exposition, un prix dont la sorcière ce serait volontiers passé.

Une nouvelle fois, elle étira ses épaules, testant le confort de la robe qui l'enserrait. La ministre adjointe était paranoïaque, à raison, et il lui était indispensable de prévoir à toute éventualité. De l'extérieur, la sang pure était sans conteste magnifique. Ses cheveux tombaient en douces vagues dans son dos, scintillant à la lumière des lustres d'époque, car de minuscules fils dorés avaient été disséminés partout entre ses mèches ébènes. Sa robe était tout aussi lumineuse tranchant avec sa peau de porcelaine. Dans ce décor rococo, la sorcière semblait être une statue de la renaissance qui venait de prendre vie, comme si le vœu de Pygmalion s'était réalisé. Loin d'être sage, la robe fourreau se fendait d'un décolleté des plus osés, mis en valeur par un spectaculaire collier en rubis. Comme le tissu lui tombait jusqu'aux pieds, personne ne voyait que la jolie brune avait dédaigné les talons ce soir. Elle était confortablement affublés de spartiates, prête à courir si la situation l'exigeait. On ne pouvait voir non plus, que tout autour de sa taille se trouvait une quantité impressionnante d'armes en tout genre et, dans les recoins d'une de ses longues manches évasées, que sa baguette se tenait prête à agir. Oui, Opale Tal Moundine ressemblait à une statue majestueuse et son entrée ne passa pas inaperçue. Toutefois, le charme de l'anglaise avait toujours été glacial, car rien de sensuel n'émanait de son être. Comme son nom l'indiquait, c'était une pierre précieuse, sublime, sévère.

Toutefois, il ne s'écoula pas beaucoup de temps avant que l'ancienne Serpentard sente un regard insistant. Elle avait pourtant découragé jusque là des italiens un peu trop empressé de lui faire découvrir la "dolce vita", aussi fronça-t-elle les sourcils, se demandant ce qu'il se passait. Puis, la magicienne croisa enfin le regard qu'elle cherchait. Un sourire étrange, prédateur, se dessina sur ses lèvres à peine rosies par le maquillage. *

[ Tiens, tiens, qui tu es toi ? ]

* Naturellement, parlant aux uns et aux autres, Opale se fondit dans la foule puis tourna à l'angle d'un couloir. Quelques minutes s'écoulèrent avant qu'elle ne parvienne au second étage, dans le dos de la mystérieuse invitée. Elle la contempla un instant, évaluant la menace et remarquant la beauté singulière de l'inconnue. Puis, sa voix emplie d'une ironie mordante s'éleva. *

- Si vous vouliez à ce point me contempler, il suffisait de venir à moi.

* Et, dans un geste lent, Opale versa sans remords le contenu de la coupe de champagne, qu'un serviteur venait de lui apporter, dans un magnifique vase du seizième siècle. On était jamais trop prudents dans ce genre de réception. *

* Opale ne répondit pas de suite, ses yeux bleus détaillant les alentours avec acuité. Elle n'avait pas apprécié que son interlocutrice se dissimule derrière une diplomatie feinte. Tout ce petit discours ne faisait que la conforter dans l'idée que la femme avait quelque chose à cacher. Son intérêt réveillé, Opale se fendit d'un grand sourire, ravie à l'idée de repartir à la chasse. Toutes ces fêtes lui donnaient le tournis, elle en avait assez du bruit, de la nourriture, de l'alcool et des robes somptueuses. Un duel était une perspective bien plus exaltante. *

- Vous savez, les italiens aiment la chaleur, ce sont des gens solaires. Il suffit simplement d'étouffer cette flamme pour décourager leurs ardeurs. Cela n'a rien de bien compliqué.

* Il était certain qu'avec son regard assassin et son sourire de prédateur, Opale avait du décourager bien des diplomates téméraires. Sa réputation aussi était exceptionnelle, et tous savaient ici qu'elle n'avait rien d'une femme politique ordinaire. Non, si Opale s'était déplacé en personne, ce n'était pas pour faire plaisir à son ministre, elle tenait une piste et ne la lâcherait pas. Feignant de détailler la robe de l'inconnue, Opale tendit les bras et caressa le tissu avec légèreté, s'égarant au niveau du creux du coude, l'air totalement inexpressif. *

- Votre tenue est magnifique, ma chère. Les animaux les plus dangereux ont souvent le plus beau pelage.

* Ce n'était que des doutes, une intuition qu'elle suivait. Mais Opale savait que Camille avait des intérêts récents pour l'Italie. Ses fidèles devaient être sur place et, si cette femme en faisait partie, le message était clair. Opale était au courant. Lâchant le bras de son interlocutrice, la ministre adjointe regarda à nouveau en contre-bas. Il y avait un certain brouhaha et elle avait du mal à comprendre ce qu'il se passait exactement. *

- Oh mais c'est justement parce qu'ils sont nos amis que je suis ici. Ce serait dommage qu'ils ne soient plus n'est-ce pas ?

* Délicatement appuyé contre un pan de l'arcade, elle se pencha légèrement en avant, presque enjôleuse. L'or de ses vêtements miroita à la lumière des flambeaux, diffusant des reflets dorés sur le beau visage de sa rencontre de la soirée. *

- Je crains malheureusement ne pas vous connaitre. Me feriez-vous l'honneur de vous présenter ?

* La politique était un monde complexe, principalement parce qu'on ne pouvait se contenter d'abattre froidement ses adversaires, au risque de passer pour un tyran. Opale devait juguler les ardeurs de son ministre et se démener pour maintenir la paix. Mais elle n'avait rien d'une diplomate. C'était une arme mortelle, dangereusement affutée, une solitaire qui ne vivait que pour tuer. Quelque chose dans l'impertinence de Catherine Spinnet réveilla ses instincts de prédatrice. Elle sentait que la jeune femme lui cachait quelque chose, outre le fait d'appartenir à l'Organisation. Que voulait accomplir Camille en Italie ? *

- Oh, vous avez fait des recherches ? J'ignorais que la politique internationale concernait les affaires de l'école. A moins que n'ayez plusieurs employeurs ?

* De grès ou de force, cette nouvelle rencontre lui dirait tout ce qu'elle désirait savoir. Opale lui extirperait ses secrets et surtout, les plans de son ancienne apprentie. *

- J'ignorais l'existence des forces du mal en Italie. J'ai hâte de vous entendre me raconter vos recherches. Nous devrions diner ensemble prochainement.

* Son sourire s'accentua, carnassier, presque charmeur. Opale était ravie de rencontrer un peu de défi, elle qui s'ennuyait tant pendant ce genre de soirées. Toutefois, elle ne put vraiment poursuivre cet intéressant examen, car un bruit d'explosion retentit dans la villa. Avec un soupir las, la mage noir pivota légèrement la tête, cachant son amusement. *

[ Et j'imagine que c'est à ce moment là que tu disparais ? ]

* Et, en effet, point de Catherine à l'horizon. En temps normal, la vipère aurait plongé à sa poursuite, se délectant de la traque à venir. Mais elle avait des obligations et des responsabilités désormais. Tant pis, ce n'était que partie remise. Tirant sa baguette, la ministre adjointe se lança un sonorus et commença à rassurer l'assemblée, avant d'inspecter les cuisines et d'arranger tout ce bazar. Cela allait être encore une longue nuit… *


* Chiara se mouvait avec grâce dans l'eau limpide, son maillot de bain rouge enserrant ses formes avec sensualité. Si les hommes de garde faisaient mine de rien, leurs regards s'attardaient régulièrement sur la silhouette solitaire. Chiara sortit de l'eau, ses cheveux blonds dorés dégoulinant dans son dos. Une servante vint lui tendre une serviette et elle la congédia d'un petit geste de la main. L'air était chaud et humide, le lieu magnifique. Une porte au fond de la salle s'ouvrit et la blonde se retourna, un sourire ravi sur les lèvres. *

- Catherina cara mia ! Come stai ?

* L'Italienne ouvrit grand les bras pour la saluer, révélant le motif de Pertho gravé au creux de son coude. *

- Bienvenue dans les Termes Aurum !

* De grands bassins en mosaïques attendaient sagement qu'on vienne troubler la tranquillité de leurs surfaces lisses. Des statues romaines montrant des sorciers nus s'adonnant à différents plaisir étaient exposés dans des alcôves, la lumière des torches donnaient une ambiance tamisée au lieu. Le bruit des jets d'eau était mélodieux, savamment calculé pour apaiser. Une table couverte de fruits et d'alcools savoureux étaient dressés dans un coin. Nonchalamment, Chiara y piocha une grappe de raisin, en retira un qu'elle coinça entre ses dents avant d'y croquer avec force, appréciant le jus sucré coulant dans sa bouche. *

- Aujourd'hui, vous serez traitée comme une reine. J'espère que vous me pardonnerez ainsi de ne pas avoir pu vous joindre plus tôt, il y a eu de nombreuses complications.

- Oh votre venue est une bénédiction, ce n'est pas tous les jours que j'ai le plaisir de faire affaire avec des partenaires aussi intéressants.

* Chiara avait une manière particulière de parler, insistant sur certains mots, en délaissant d'autres, se servant de sa voix, comme de son corps, pour plaire et charmer. Ce n'était pas intentionnel, c'était une longue habitude, une manière de vivre. *

- Les complications viennent de vos camarades britanniques, ils posent des questions, ils nouent des alliances… Cela a fortement ralenti nos plans.

* Avec application, Chiara renversa entre les paumes de ses mains une douce huile parfumée et s'assit au bord de la chaise longue de Catherine, avant de faire courir ses doigts sur les jambes nues de son interlocutrice, massant avec douceur les muscles fins et nerveux. *

- Les Aelius veulent faire du charme au ministère. Surtout après le fiasco d'hier, ils prennent peur. Cette femme est une véritable épine, nous devons nous en débarrasser.

* Il y avait trop d'enjeux commerciaux et politiques pour laisser une telle variable exister. Chiara ne connaissait pas vraiment la ministre adjointe, elle n'avait entendu que les rumeurs habituelles. Mais les politiciens italiens étaient prêts à basculer totalement dans l'Organisation avant son arrivée. Cela faisait de longues années que Chiara et sa famille, les Fioribello, travaillaient en ce sens. Joueuses, les mains remontèrent un peu plus haut sur les cuisses de Catherine, dessinant de délicieuses arabesques. *

- Je suis à votre entière disposition, je n'attends plus que vos ordres.

* Susurra-t-elle de sa voix angélique, comme si elle n'était absolument pas une redoutable alliée de l'Organisation, mais simplement une italienne magnifique venue ici pour combler les désirs de Catherine. *