* Quand il était petit, Corvus attendait Noel avec impatience. Pour sa famille, c'était une journée particulièrement importante, en plus des traditionnels cadeaux qui joncheraient le sol de la maison. Mais, cette période de l'année lui laisse désormais un goût amer dans la bouche. Toutes les vacances en général, à chaque fois qu'il doit revenir chez lui. Bien entendu ses proches l'aiment, mais depuis qu'ils savent pour… Ses dispositions, un fossé les séparent. Corvus se sent vide, malheureux. Depuis son retour, il traine dans les églises, essayant de se reconnecter avec sa foi. Ses années d'études seraient certainement un rêve pour un autre que lui. Quel adolescent de son âge ne vendrait pas père et mère pour vivre dans un château et jeter des sorts ? Toutes ces histoires de fantasy ont perverti la jeunesse, qui pense que la magie est quelque chose de fondamentalement cool. *

[ Alors que c'est l'outil du malin... ]

* Comme à son habitude, Corvus pénètre dans la cathédrale, sa préférée de la capitale. La grandeur de l'édifice, le silence absolu qui y règne l'apaise. Evidemment, il y a plus de monde que d'habitude en cette période de l'année, même des touristes qui osent hausser la voix. Les mains enfoncés dans son pantalon en laine, le sorcier avance lentement, contemplant les arcades et les vitraux, sentant la mélancolie l'envahir. A-t-il seulement le droit de marcher ici ? Qu'est-il devenu ? Une nouvelle, Corvus rôde autour du confessionnal, cherchant à rassembler son courage. Il a envie de vider son sac, de raconter tout ce qui lui pèse sur la conscience. Mais il a peur que le prêtre, un homme du bien, ne se rit de lui. Comment croire pareil discours ? Il ne pourrait supporter qu'on le pense dément. *

[ C'est le moment ou jamais. ]

* Chassant ses peurs de sa tête, le blondinet entre, distinguant une silhouette rassurante à travers le grillage du confessionnal. Il s'assoit, se gratte la tête. Il n'arrive pas à voir très bien l'homme qui sera son exutoire. Il devine qu'il a l'air jeune, il entraperçoit un profil charmant. Corvus laisse là son inspection, ne jugeant pas utile de savoir précisément à qui il s'adresse. Il va parler, partir, et ne verra plus jamais cet homme de sa vie. *

- Pardonnez moi mon père, parce que j'ai pêché.

* La formule rituelle sort de ses lèvres. L'adolescent est peiné de devoir prononcer ces mots, lui qui pensait vivre une vie exemplaire. Serrant les dents, il se lance, long monologue confus et un peu larmoyant. *

- J'ai toujours été un bon croyant, ma famille aussi. Mais un jour, l'année de mes onze ans, un homme étrange est venu chez moi et il a dit que j'étais un sorcier. Il m'a dit que Dieu nous avait donné la magie pour lutter contre les suppôts de Satan mais je ne pense pas. Je suis un monstre, lui aussi. Maintenant j'étudie dans une école pleine de démons, qui utilise la magie toute la journée. Ils font léviter des objets, lisent dans les étoiles ou les esprits, ils jouent même sur des balais volants… Mon père m'a dit que j'avais une mission, celle de combattre le feu par le feu. Il pense que je suis un Elu capable de détruire la sorcellerie. Je... Je ne sais pas quoi en penser. Certains sorciers sont horribles. Vous les moldus, désolé ils vous appellent des moldus, ça veut dire des gens qui sont normaux, oh comme je voudrai être normal ! Je disais donc, parfois il y a des crimes inexpliqués eh bien ce sont des sorciers qui sont responsables de ça. Il existe un sortilège interdit permettant de tuer quelqu'un d'un coup paf ! Comme une mouche. C'est horrible n'est-ce pas ? Ces sorciers là sont des démons ça j'en suis persuadé. Mais les autres ? Ce sont des adolescents de mon âge, ils sont gentils la plupart du temps. Si seulement ils étudiaient l'algèbre au lieu de fabriquer des potions. Pourquoi se complaisent-ils dans le péché ainsi ? Je ne vois pas comment les sauver !

* Corvus serre les poings, expire douloureusement. Il faut qu'il se dépêche, sinon il va perdre la maigre bravoure qu'il a réussi à rassembler. Les yeux fixés devant lui, son flot de paroles s'accélère. *

- J'ai été envoyé dans une maison dont les valeurs sont la ruse et l'ambition. Je ne crois pourtant pas être malicieux ni particulièrement ambitieux dans la vie. Je voudrais juste que tout ceci soit un mauvais rêve. Je voudrais que ma famille m'aime comme avant et ne pas devoir y retourner à chaque rentrée. Et si je vous dis que j'ai pêché c'est que parfois... J'aime ça. Je veux dire... La magie. La dernière fois, en cours de métamorphose, mon professeur a dit que j'étais un prodige et j'ai souri. Puis je suis allé dans le parc avec des camarades, oubliant un instant qu'ils étaient différent. Je crois que mon esprit n'est pas assez fort pour lutter et j'ai peur. Mon Père je suis perdu, j'ai besoin d'aide mais surtout je ne suis pas fou ! Arrivez-vous à me croire ? J'ai besoin que quelqu'un puisse y croire.

* Et il plonge sa tête entre ses mains, dissimulant quelques larmes traitresse dévalant sur son visage. L'attente le tue, l'angoisse lui tord le ventre. Déjà, il regrette sa confession et le simple fait d'avoir osé revenir dans la maison de Dieu. *

- Je suis navré monsieur, je ne sais pas qui est le petit Grégory. Un enfant de la paroisse disparu ?

* La tension entre ses deux épaules s'est évanoui. Corvus a les yeux qui brillent. Le prêtre lui réponds avec un naturel des plus charmants. Même s'il ne le croit pas, le vénérable homme d'église ne laisse transparaitre qu'écoute et compassion. La gentillesse de cet inconnu illumine son coeur de bonheur et le garçon baisse la tête, remerciant Dieu silencieusement. Il a bien fait de venir. *

- Monsieur, ce sont des démons très discrets. Ils ont peur que nous connaissions la vérité à leur sujet. Ils se cachent, ils nous enseignent ce qu'il s'est passé pendant les chasses aux sorcières. Saviez-vous que l'Eglise a brûlé une quantité astronomique d'innocentes ? Car, les véritables sorcières pouvaient aisément se sortir de ce genre de mauvais pas. La magie est... Elle si vaste ! On peut faire tellement de choses. Enfin je m'égare mon Père. Sachez juste qu'ils peuvent vous effacer la mémoire, dissimuler leurs bâtiments, changer d'apparence. Nous n'avons pas les armes pour lutter.

* Ce qu'il dit manque de le plonger à nouveau dans un grand abattement. Corvus ne voit pas comment combattre à égalité contre ses camarades. La société magique est bien organisée, vivant dans l'ombre depuis des centaines d'années. Heureusement, le discours du prêtre est charmant, tellement charmant que Corvus ne remarque pas quand la langue de son interlocuteur fourche, révélant l'imposture. Totalement béat, il boit ses paroles, lui offre tous ses secrets. Soulagé. *

- Je ne sais pas… Le plus raisonnable serait que je retourne dans le monde qui est le mien, que je brise cette baguette en mille morceaux et que je n'entende plus jamais parler de magie. Mais comme vous le dites, le Seigneur doit avoir un plan. Alors j'ai eu une idée… Il y a des sorciers formés pour vaincre les plus noirs de leurs condisciples. Peut-être pourrais-je commencer par là ? Emprisonner les plus mauvais d'entre eux et ensuite m'attaquer aux autres ? Honnêtement mon Père, je vous avouerai être perdu.

* Relevant sa tête blonde, Corvus tourne son corps vers le prêtre, cherchant pour la première fois un contact visuel. Il le détaille un peu plus, appréciant ce qu'il voit. L'homme est beau, affable, il ressemble à un ange. Soudain, Corvus se demande si ce n'est pas autre chose qu'une simple coïncidence. Avalant sa salive, il pose sa question naïve, approchant son visage de la grille. Tant pis s'il passe pour un fou, il n'est plus à ça près. *

- Pardonnez mon audace mais... Je n'ai jamais vu un homme tel que vous. Seriez-vous un... Un ange ?

* Il écarquille les yeux, tentant d'en voir plus dans cette semi-obscurité. Puis, le jeune homme réalise que ce n'est peut-être pas correct de vouloir en voir autant. Le divin doit rester un mystère, il l'a appris. Jugulant sa curiosité, Corvus écoute la voix mélodieuse de son ange gardien, sent des papillons dans son ventre. Il est heureux, paisible, ça ne lui été jamais arrivé depuis des années. *

- Excusez-moi mon bon ange mais pourriez-vous me dire votre nom ? J'aimerai savoir qui remercier dans mes prières.

* Il lui sourit avec candeur, galvanisé par cette étrange rencontre. L'être mystique trouve même que son projet est correct, ce qui renforce la détermination de Corvus. De toute manière avec ses notes il va pouvoir faire le métier qu'il veut. Maintenant, dès qu'il sentira sa résolution faillir, il lui suffira de penser au magnifique visage de son confesseur. *

- Monsieur Lingo ? C'est lui qui est venu me chercher quand j'étais petit. C'est lui qui m'a rassuré, qui m'a dit que religion et magie n'étaient pas incompatibles. Il est très apprécié au château, c'est un homme calme et intelligent.

* Son visage s'assombrit alors. Si Haile Lingo est un traître alors Corvus en sera dévasté. Car son directeur de maison est peut-être le seul adulte en qui le blond a confiance. Sans lui, il n'aurait pas pu survivre à Poudlard. *

- J'ai du mal à croire que ce soit un démon. Il se dégage de lui une certaine pureté. Pourquoi avez-vous de tels soupçons ?

* Et il rougit violemment, réalisant qu'il vient de mettre en doute la parole divine elle-même. Faisant un rapide signe de croix, Corvus baisse la tête et attends la réponse, la gorge nouée. *