* La brigade des aurors marchait rapidement, foulant les pavés du chemin de traverse avec précipitation. C'était les plus fidèles hommes de main de la ministre, des gens qui partiraient bientôt, refusant de revenir à la normale. Ils avaient adhérés aux méthodes brutales de leur chef, appréciant de pouvoir rudoyer les criminels. Les rues de la capitale n'avaient jamais été aussi sûres. Les bandits se terraient, craignant enfin l'autorité qu'ils représentaient. Mais, la mission d'aujourd'hui les laissaient perplexes. S'arrêtant devant le chaudron baveur, les aurors s'arrêtèrent, certains se dissimulant sur les côtés du bâtiment, d'autres s'approchant de la porte. Le pauvre Stefan Dashkov eut à peine le temps de sortir de la taverne, que son arrestation musclée commença. Une demi-douzaines de sortilèges d'entrave foncèrent vers lui, et un colosse se glissa dans son dos pour recouvrir sa tête d'un sac en tissu. Les badauds qui assistèrent à la scène se contentèrent de détourner la tête, l'insigne des agents du ministère les persuadant qu'un dangereux criminel venait d'être appréhendé. Pourtant, il n'y avait rien d'officiel à cette promenade matinale. Il s'agissait purement et simplement d'un caprice de la ministre. Un caprice qui lui tenait beaucoup à cœur.

Lorsqu'on daigna redonner la vision à Stefan, le descendant de vélane pu constater qu'il n'était pas en prison. Il était dans une salle aux grandes fenêtres lumineuses, avec un grand parquet de bois lisse et des tatamis qui avaient visiblement beaucoup servis. La pièce était chaleureuse mais, en y regardant d'un peu plus près, on pouvait se rendre compte que les fenêtres étaient fausses, et que des tâches sombres maculaient le sol. Il n'y avait aucun meuble, pas de décoration murales. Juste eux deux. Car Stefan n'était pas seul. *

- Bienvenue à la salle d'entrainement. C'est ici que j'ai lancé le programme corps à corps pour les aurors. Ils avaient une fâcheuse tendance à ne plus savoir rien faire une fois désarmés.

* La femme qui venait de parler était de taille moyenne mais il se dégageait d'elle une aura sombre et dangereuse. Elle était de dos, sa baguette dansant négligemment entre ses doigts fins. L'une de ses mains était gantée. De longs cheveux noirs cascadaient dans son dos. Il était aisé de deviner de qui il s'agissait, moins aisé de comprendre ce que diable Opale Tal Moundine voulait à Stefan Dashkov. Heureusement, cette charmante sorcière était encline à lui offrir de précieuses informations. *

- Demain, je vais démissionner Monsieur Dashkov. Le monde britannique n'entendra plus parler de moi. Mais, il y a quelque chose que je dois absolument régler avant de partir. Alors dites moi, qui êtes-vous pour Camille Dubois ?

* La redoutable mage noir française. Officiellement, elle était dans tous les dossiers brûlants du ministère, sa tête apparaissant même dans la liste des indésirables. Officieusement, personne ne prenait jamais vraiment la peine de contrarier les plans de l'Organisation. Étrange venant d'un gouvernement qui avait débuté une grande purge des sorciers maléfiques. Opale se retourna lentement, observant le demi-vélane avec attention. Elle ressemblait à Camille, de longs cheveux noirs, des yeux bleus glacés, une âme torturée. Mais de nombreuses différences subsistaient. Opale avait plus de rides sur son visage, ses yeux froids n'étaient pas de la même teinte, le regard était plus ancien, plus cynique, les sourcils arqués, le nez légèrement en trompette, la bouche moins sensuelle. Et pourtant, ce n'était pas leurs ressemblances ou différences physiques qui pouvaient frapper quelqu'un les connaissant toutes deux. C'était leurs présences, le danger qui émanait de chaque cellule de leurs corps. Stefan côtoyait l'apprentie, il découvrait désormais la mentor. *

* En temps normal, Opale aurait sauté sur l'occasion de comprendre pourquoi diable Dashkov avait évoqué Alysone Petrova. Elle avait d'ailleurs hésité à lui répondre, pleine d'ironie, qu'elle était parfaitement au courant d'où était son ancienne stagiaire, et qu'elle était en train de l'empêcher de profiter de son âme morcelée. Mais, ce n'était là qu'un problème mineur pour Opale. Le futur de Camille lui importait bien plus car, dans peu de temps, la mage noire ne serait plus là pour veiller sur sa protégée. *

- Vous ne me connaissez pas.

* Grogna-t-elle avec mauvaise humeur, réprimant l'envie de lui faire du mal. Opale n'aimait pas l'insolence, Camille avait pu le constater à de maintes reprises. Heureusement pour ce bellâtre, la Dubois tenait à lui. La ministre de la magie ne tenait donc pas à l’abîmer... Plus que nécessaire. *

- Le simple fait que vous ne compreniez pas pourquoi je m'intéresse à sa vie sentimentale est soit une attitude de rébellion tout à fait déplacé, soit l'aveu d'une ignorance crasse.

* Les mots fusaient, tranchants, froids, précis. Une politicienne vénéneuse en apparence, une femme inquiète au fond. Peut-être aurait-elle du l'inviter à discuter autour d'une tasse de thé. Peut-être. Le temps lui manquait. Et puis, rien de tel qu'une situation de crise pour découvrir réellement ce que quelqu'un avait dans les tripes. *

- Je vais me faire un plaisir d'éclairer votre lanterne. Mais avant, sachez que si vous refaites une fois allusion à ma famille je ferais en sorte que vous perdiez également la vôtre.

* Son ton s'était radouci, presque serein. Opale avait cet air confiant des gens qui sont prêts à exécuter leurs menaces. Il était évident qu'à ses yeux, la vie de ce pauvre Stefan ne valait rien de plus qu'un insecte. Il ne pouvait pas se douter non plus que, à cause de la magie noire qui se mélangeait insidieusement à son sang, Opale avait une fâcheuse envie de tuer ceux à qui elle adressait la parole. Comme une litanie, l'ancienne Serpentard se disait inlassablement la même chose "Camille a besoin de lui, Camille a besoin de lui". C'était la seule garantie à sa survie. *

- Il y a de nombreuses années, son demi-frère qui travaillait sous mes ordres est venu me voir. Camille venait de tuer sa mère et il avait peur de ce qu'elle pourrait devenir. Alors il me l'a confié pour que je lui apprenne à faire de la magie noire son alliée et non sa maîtresse. * Elle marque une pause, amère. * Comme vous pouvez vous en rendre compte, j'ai échoué.

* La mage noire se rapprocha encore et fit un geste des plus inattendus. Elle rangea sa baguette à sa ceinture, son regard moqueur plongeant dans les yeux bleus de Stefan, comme pour le défier d'agir. *

- Tant que je vivrai, Camille Dubois sera protégée. Si j'avais voulu sa mort, elle ne serait plus de ce monde. Mon seul souhait et qu'elle réussisse à trouver une raison de vivre, plus forte que la haine, plus forte que la soif de pouvoir. Comprenez-vous ce que vous faites ici désormais ?

* Les mots de Stefan Dashkov résonnaient en elle avec force. Opale l'écoutait avec une rare attention, ses yeux bleus bien plus chaleureux qu'à l'ordinaire. Toute cette douleur, ce sentimentalisme, réveillait en elle des souvenirs enfouis. La souffrance du jeune homme était également sa souffrance. Au final, cette conversation allait peut-être lui couter les dernières bribes de sa santé mentale. Mais il fallait aller au bout, pour Camille. Toutefois, même si elle compatissait, la mage noire ne pouvait tolérer le pessimisme du descendant de vélane. C'était son seul espoir, le dernier recours. Il devait avoir la foi ou tout serait perdu. *

- Monsieur Dashkov vous êtes amoureux.

* C'était un constat doux, dénué de toute cruauté. La ministre avait l'air d'une femme attentive, si ce n'était un léger air hagard. Bien que le parfum de la magie noire flottait autour d'elle, Opale paraissait usée par la vie. Ce qui l'animait encore était sombre, bien trop sombre pour quoi que ce soit de bon en ressorte. *

- Je présume que vous allez me répondre avec ironie, car je vais vous dire qu'il n'existe pas de plus grande force que l'amour. C'est une leçon que j'ai enseigné à Camille, elle la connait, elle le sait et, au fond d'elle, comme chacun d'entre nous, elle cherche cette force.

* Voilà qu'un des personnages les plus redoutés du monde magique se la jouait à la Dumbledore. Mais il n'y avait pas une once de calcul dans les propos de l'occlumens. Elle avait abaissé toutes ses barrières, fait tomber tous ses masques. Elle était entièrement sincère. Lentement, la gorge nouée, Opale ôta son gant et révéla sa main droite, meurtrie à jamais par le sceau de la magie noire. Ses veines semblaient pulser et on pouvait presque deviner la souffrance qu'elle pouvait ressentir. Et surtout, la contamination semblait s'étendre de plus en plus, remontant vers le poignet, dévorant son avant bras, s'avançant vers le coude. *

- Oui, je vais mourir. J'ai passé ma vie à agir par amour, cela les gens l'ignorent. Monsieur Dashkov, j'ai le monde magique entre les mains. Je pourrais devenir le plus grand tyran que ce peuple ait connu, je pourrais faire capituler tous mes ennemis, terroriser les faibles, faire régner une terreur nouvelle. Aujourd'hui, à cause de ma... Maladie, cette idée est tentante, terriblement tentante. C'est pour cela que je pars, pour protéger les gens une dernière fois.

* Elle leva une main, lui intimant de garder le silence encore un instant. Son coeur battait fort dans sa poitrine. Opale sentait qu'après cet épisode, elle ne serait plus jamais la même. Malgré son contrôle mental d'acier, la sang pure était en train de perdre la partie. Mais il lui fallait faire passer son message. *

- Camille a vécu une vie qui ne lui a pas laissé le choix. Sa destinée a été forgée dans le sang et la peur. Mais il y a toujours de l'espoir. Je le sais car, sur de nombreux points, nos histoires sont similaires. Et, j'ai un jour rencontré une personne qui m'a donné l'envie d'en finir avec cette vie là. La mort, l'effroi, les ténèbres, la violence. Tout quitter et fonder un foyer, se contenter de lui, seulement lui. * Sa main saine s'égara vers son ventre, s'immobilisa en un mouvement pensif. * Evidemment, jamais je n'aurais imaginé cela possible. Mais l'amour n'est pas logique, prévisible, il se calcule pas. Monsieur Dashkov, l'amour d'une mentor n'est pas suffisant pour sauver Camille Dubois. L'amour d'une fille adoptive non plus.

* Doucement, elle s'approcha de lui, étant désormais assez près pour que leurs nez se touchent presque. Ses yeux bleus se livrèrent au regard du légillimens, comme une invitation à plonger au fond de son âme. *

- Depuis toutes ces années, je n'ai jamais vu Camille traiter un homme de la sorte. Ne sous-estimez par votre influence, ne baissez pas les bras. L'âme de Camille est profondément meurtrie mais pas irréparable. Vous ne devez pas abandonner, cela la détruirait.

* Tout comme cela l'avait détruite elle. Comme pour répondre à la pensée amère qui venait de surgit de son esprit, Opale sentit une douleur nouvelle se répandre dans sa gorge. Perplexe, la mage noire recula de quelque pas et porta la main à sa bouche. Du sang luit sur ses doigts et elle les essuya distraitement dans les replis de son pantalon. Cela s'accélérait. *

- La magie noire a toujours un prix. Revenir en arrière ne changera rien.

* Et puis, elle était fatiguée, incroyablement fatiguée. Opale Tal Moundine n'avait jamais eu peur de la mort, bien au contraire, elle semblait presque la désirer. Depuis son adolescence, la sang pure luttait pour sa vie et celle de ses proches. C'était un combat qui l'avait usé profondément. Mais, l'heure n'était plus aux belles paroles, le demi-vélane ne se dévoilait pas beaucoup et ne semblait pas partager son optimisme en l'avenir. Soupirant, Opale accepta le mouchoir du jeune homme et le posa délicatement sur ses lèvres rouges. Puis, elle haussa un sourcil en entendant les dernières paroles de Stefan. Dans un mouvement vif, le mouchoir claqua contre les yeux de son agresseur, le privant de vision quelques dixièmes de secondes. Un temps inestimable pour la sorcière plus âgé qui se recula dans une grande torsion du torse, évitant les mains dangereuses frôlant sa gorge. Il n'y avait pas eu un seul instant de réflexion dans ses gestes, juste une espèce de routine dangereuse, répétée maintes et maintes fois. *

- Vous essayez de me faire du mal ?

* Murmura-t-elle gravement, sentant quelque chose basculer dans son esprit. A nouveau, on essayait d'attenter à sa vie. N'avait-elle pourtant pas été particulièrement sympathique ? Une rage noire gronda dans son ventre, lui ordonnant de détruire, déchiqueter, l'insolent vermisseau qui avait osé l'attaquer. Avec une grâce mortelle, Opale pivota et leva la jambe, son pied s'écrasant avec force en plein du beau visage de Stefan lui brisant le nez. Puis, dans un dernier éclair de lucidité, la mage noire sortit sa baguette et incanta. Un mur de flammes bleutées traversa la pièce de part en part, séparant les deux protagonistes. Haletante, la sorcière s'appuya contre le mur, fixant son nouvel ennemi avec hargne. L'action avait à peine duré quelques secondes qui avaient pourtant parues être une éternité. *

- En temps normal, j'aurais apprécié votre audace. Mais je vous ai averti monsieur Dashkov, j'ai changé. J'ai envie de vous tuer, rien ne m'en empêche n'est-ce pas ?

* Un éclat de rire un peu dément secoua son corps. Opale avait toujours eu peur de l'excitation qui la prenait au moment d'achever sa cible. Elle s'était rassurée en ne tuant que les pires salauds qui peuplaient son monde. Sauf que cette fois, elle avait envie de tout détruire, même un sorcier qui s'était contenté de l'attaquer avec des manières de dandy anglais. Toujours enragée, Opale expirait et inspirait profondément, tentant désespérément de se calmer. Il lui restait tant de choses à faire, le temps lui était-il autant compté ? Elle ne deviendrait jamais ce qu'elle avait toujours combattu, jamais. *

- Sectusempra !

* Le maléfice ne traversa pas le mur de flammes pour atteindre Stefan. Non il était dirigé vers la sorcière elle même, qui grimaça quand des entailles profondes s'ouvrirent sur sa peau bien trop marquée. Elle hoqueta et la frontière magique s'évanouit dans les airs. La douleur extrême lui avait permis de retrouver toute sa lucidité. Couverte de sang, transpirante et l'air encore plus fou que précédemment, Opale pointa Stefan de sa baguette et lui adresse un sourire presque... Gentil. *

- Pouvons-nous... Poursuivre... Cette... Importante... Conversation ?

* Opale sentit une migraine poindre sous son crâne, et cette sensation l'agaça presque plus que l'hémoglobine qui était en train de sortir de son corps. Surprise, elle vit le sorcier se précipiter vers elle, non pas pour l'achever, mais pour la soigner maladroitement. Un rire un peu croassant s'échappa de ses lèvres gercées. *

- Je n'ai pas fait exprès.

* Se justifia-t-elle comme une enfant, pointant sa baguette vers le nez de Stefan et le remettant à sa place. Si sa qualité principale était la beauté, autant ne pas le défigurer avant l'hypothétique mariage. Fatiguée, la sang pure se tourna vers le demi-vélane, se demandant pourquoi diable il lui tenait la main avec affection. Visiblement, lui faire du mal semblait le rendre docile et sympathique. Peut-être que Camille appréciait cette tendance masochiste. Toutefois, la ministre hésite à dégager rapidement sa main, n'ayant jamais été à l'aise avec les contacts physiques, surtout ceux venant d'un inconnu. Finalement, elle laisse ce morceau de chair maudit à Stefan, essayant de ne pas rompre ce moment de quiétude qu'ils semblent partager. *

- Comme je vous l'ai dit je suis… Une espèce d'ange gardien. J'ai été sa mentor, son amie, une figure maternelle qu'elle défiait sans cesse. Nous avons eu de nombreux différents, j'aurais souhaité de tout cœur qu'elle embrasse mes idéaux. Nos chemins ont tellement divergés que je ne pouvais plus agir comme avant. Mais, comme vous pouvez le constater, l'Organisation est une des rares structures criminelles qui tient encore debout. Depuis des décennies je fais tomber les mages noirs, les meurtriers, les violeurs, tous les salauds qui osent s'en prendre aux autres. J'ai laissé l'empire de Camille prospérer. Parfois, je menais une grande opération, je lui faisais perdre quelques mois dans ses projets. Des attaques agaçantes, pas plus qu'un vulgaire moustique. C'était un pacte de non agression. Officiellement, nous étions ennemies mais en réalité, nous savions pertinemment que si l'une était en danger, l'autre viendrait la sauver.

* Le visage de l'ancienne Serpentard, bien que maculé de sang, était devenu parfaitement détendu. L'occlumens irradiait un doux sentiment chaud, bien loin de la violence froide dont elle venait de faire preuve. Il suffisait de l'entendre parler pour comprendre que l'affection qu'elle portait à Camille Dubois n'était en rien simulé. *

- Je ne vous demande pas de la forcer. Je veux que vous restiez vous même. Un homme capable de la soutenir quand le combat contre le mal l'épuisera, * avec un petit clin d'œil elle souleva doucement leurs mains étreintes, comme pour le remercier, * un homme qui la comprendra, ne la jugera pas et surtout… Ne l'abandonnera pas. Et surtout, ne faites pas l'erreur de changer pour elle. Ne désirez pas devenir plus puissant pour qu'elle vous respecte. C'est une erreur, une terrible erreur.

* Une erreur qu'avait commise Aidan. Opale avait si lamentablement échoué dans sa vie sentimentale, qu'elle savait parfaitement ce qu'il fallait éviter de faire. Pensivement, elle ôta sa main gantée et la posa sur son ventre, respirant profondément. Des souvenirs d'instants fugaces de bonheur affluaient dans son esprit. Même si le temps avait le pouvoir de tout guérir, Opale n'arrivait à lui pardonner cet énième départ. Elle lui prendrait tout ce qu'il avait osé préféré à elle avant de mourir. *

- J'aimerai quitter ce monde plus ou moins sereinement. Je sais que j'aurais châtié tous mes ennemis avant de mourir et que la majorité des gens que j'aimais sont morts. Il ne reste que Camille et... Bref, pensez vous avoir le courage de supporter tout ça ? Voir la personne que vous aimez s'enivrer du pouvoir, devenir peut-être encore plus mauvaise, plus extrême ? Pensez-vous pouvoir garder l'espoir que tout s'arrangera un jour ? Camille mérite qu'on se batte pour elle. J'en suis persuadée.

- Malheureusement, Camille est indissociable de l'Organisation. Je ne peux y remédier sans couper le mal à sa racine. Elle est la seule à pouvoir morceler son empire mais, peut-être lui échappe-t-il déjà.

* Opale se releva grâce à l'appui de Stefan et récupéra ses mains, afin de masser ses tempes douloureuses. Elle était on ne peut plus épuisée, d'une part par leur semblant de combat, et de l'autre par le poids émotionnel que cette discussion imposait. *

- Je ne pense pas que Camille sera détruite par la magie noire. Il y a plus de risques qu'elle devienne une de ses servantes. Certains sorciers que j'ai connu considéraient presque les arts obscurs comme une entité douée de volonté propre, avec un objectif bien précis en tête. Plus le temps passe, plus je commence à y croire.

* C'est alors qu'une nouvelle fois, le demi-vélane évoque Alysone. Les sourcils de la sorcière se fronce, trahissant sa surprise. Sans calcul, avec sincérité, la ministre le mets au courant des événements, comme un rapport de mission. *

- J'enquête sur Miss Petrova depuis des années. Son changement d'identité, ses relations, les acteurs ayant participé à son évasion, * elle fit un drôle de sourire à Stefan, un sourire de prédateur. * Elle m'a énormément déçue. Vous savez, elle a travaillé sous mes ordres à l'époque, la brigade d'élite. Elle a vu ce qui arrivait aux gens qui offraient leur âme à la magie noire.

* Opale secoua la tête avec résignation. Nul besoin de dire à Stefan qu'il y a quelques jours, elle était allée torturer et effrayer sa sœur. Chacun devait conserver son jardin secret. *

- Quand je pense qu'elle n'a pas un mais deux horcruxes ! A un aussi jeune âge... Quel destin gâché, c'était une jeune fille si brillante. Enfin, j'ai au moins réussi à mettre la main sur le premier. Le deuxième... Je ne pense pas avoir le temps.

* Quel dommage. Elle adorait détruire les horcruxes de ses ennemis. Cette traque, cette satisfaction de les voir redevenir mortels. Etait-ce vraiment ce qu'attendait Stefan quand il parlait de "retrouver" sa soeur ? Avec grande délicatesse, Opale lui demanda son avis, visiblement prête à beaucoup de compromis aujourd'hui. *

- J'avais prévu de la tuer mais visiblement ce n'est pas votre souhait. Qu'attendez-vous donc de moi exactement monsieur Daskhov ?

* Remuant sa baguette, la sorcière incanta et de magnifiques fauteuils apparurent dans le dojo, contraste saisissant. Sans se soucier du sang qui tâcha la délicate assise de son siège, Opale se laissa tomber avec plaisir dans le confort et posa ses jambes sur les larges accoudoirs. L'annonce du mariage la ravissait en même temps qu'il la peinait. *

- J'aurais bien voulu voir Camille en robe de mariée. Enfin... Je doute qu'elle aurait réussi à m'inviter officiellement, ses alliés auraient jasé. Mais je serais surement venue déguisée en vieille cousine. Cela aurait été drôle.

* Mais, comme tant d'autres évènements plaisants, cela n'aurait jamais lieu. *

- Disons qu'il y a 99% de chances que je trépasse. Mais l'espoir fait vivre n'est-ce pas ?

* Opale fronça le nez, dévisageant l'état pitoyable de son dojo. Le sang ça allait mais le vomi… Elle ne l'avait pas pensé aussi émotif. Au moins, il avait assez de sentiments pour deux. Sans un mot, la sorcière tira une autre baguette de sa poche et la lança à Stefan avec désinvolture. Pourquoi diable ne l'avait-il pas réclamé ? Elle avait failli oublier l'avoir sur elle. Fermant les paupières une seconde, elle inspira, luttant contre une nouvelle vague de souffrance. La sang pure avait hâte d'aller voir son médicomage habituel, rien que pour voir sa tête. A chacune de ses visites, le vieil homme semblait prendre dix ans. *

- Dans le doute, gardez moi une chaise libre. Cela me fera plaisir. Et vous direz à Camille qu'il est hors de question qu'elle ressemble à une veuve le jour de son mariage. J'en serais très peinée.

* La ministre ne le montrait pas, mais une grande satisfaction l'envahissait. Camille Dubois était une source constante d'inquiétude et, savoir que Stefan Dashkov allait hériter de ce problème l'enchantait. "Bonne chance mon gars" avait-elle envie de dire, ce qu'elle se garda bien de faire, ne voulant pas l'effrayer. Il était déjà assez fou pour sortir avec la chef de l'Organisation, nul besoin de le tourmenter d'avantage. Quant à sa sœur La sorcière soupira, ne sachant pas quoi lui dire. Devait-elle laisser le destin de Alysone entre les mains d'un proche, plutôt qu'entre les siennes, impartiales ? *

- Pour Miss Petrova… La solution évidente serait de la tuer mais vous pouvez également emprunter la longue voie de la rédemption. Personnellement je n'y crois pas vraiment mais peut-être que vous y arriverez. Je vous ai dis que j'avais trouvé l'un de ses horcruxes, je ne l'ai pas encore détruit. Que souhaitez-vous Stefan ? L'amputer d'un bout de son âme ou porter un nouveau fardeau ?

* Pour rien au monde, Opale n'aurait voulu être à sa place. C'était sans doute une discussion fort éprouvante pour le jeune homme, qui semblait trop beau et trop pur pour être jeté dans leur monde. Mais il l'avait choisi et il devait en assumer toutes les conséquences. *

* Si Opale et Stefan s'étaient rencontré des décennies plus tôt, les évènements auraient été bien différents. La ministre de la magie imagina, calcula, fabula. Elle l'aurait sans doute maltraité, torturé, contraint par la force. Ils se seraient battus, elle n'aurait estimé sa valeur que s'il avait réussi à survivre. Le temps la faisait devenir plus sage. Même si un feu impétueux semblait brûler dans ses yeux, la quadragénaire n'était plus le tigre bondissant de sa jeunesse. Opale était devenue plus prudente, plus retors, plus manipulatrice. Le frisson de l'aventure ne lui procurait plus autant de plaisir qu'avant, la sang pure n'avait plus besoin de ce shoot permanent d'adrénaline. *

- Il s'agissait d'un test monsieur Dashkov. Il n'y a rien de tel que mettre un homme face à une décision épineuse pour voir ce qu'il cache au plus profond de son cœur.

* Avant, cette conversation l'aurait ennuyé, mais elle tirait désormais un malin plaisir à décortiquer l'âme humaine. Opale avait compris que tout ne pouvait se résoudre par le meurtre. Il lui avait fallu presque 20 ans, mais on y était. La conciliation, la politique. Une femme nouvelle, tout aussi dangereuse, encore plus démente. *

- Je regrette, * dit-elle sans absolument rien regretter * , j'ai déjà détruit cet horcruxe. Alysone est pour moi une cible, une mage noir qui doit être éliminé. Je fais rarement d'exception.

* Elle le toisa avec une gentillesse sincère et s'étira un peu plus dans le confort du fauteuil, grattant une trace de sang séché sur son bras avec indifférence. *

- En revanche, j'ignorais que cela vous tenait à coeur. Je n'agirais donc plus contre elle. Le deuxième horcruxe, ce qui reste de son âme malade, tout ceci je le remets au destin. Voyez-ça comme un cadeau.

* Et soudain, une idée traversa sa tête et elle changea de sujet avec brusquerie, fronçant ses sourcils noirs. L'idée de rater le mariage l'agaçait vraiment et elle maudissait ce mauvais timing. N'auraient-ils pas pu se rencontrer un peu avant ? S'il y avait bien une fête où Opale aurait daigné mettre les pieds c'était bien celle-là. Voir Camille réussir là où elle avait échoué, ô comme son coeur aurait éclaté de fierté ! *

- Dites-moi, que puis-je donc bien vous offrir d'autre ? Où comptez-vous partir en lune de miel avec Camille ? Je sais que sa richesse est conséquente mais il faut que je trouve quelque chose qui lui fasse plaisir. Et à vous aussi évidemment. Vous êtes presque comme un beau fils pour moi.