Cette soirée de Juin était sans défaut. Tout, jusqu'au moindre détail, semblait concourir à sa perfection. Le ciel étoilé et clair s'étendait dans un drap céleste percé d'une myriade de diamants clignotant sur la voûte sombre. La température, caractéristique de ces douces soirées d'été qui commence, était agréable, chaude sans l'être trop, légère sans que la brise ne vienne la perturber. Dans cette ambiance calme et posée, douce et accueillante, William avançait vers son pub préféré.

Franchissant comme à son habitude la porte des Trois-Balais en affichant un sourire prononcé et sincère, l'Ecossais balayait la pièce du regard. A vingt-deux heures passées comme ce soir, il ne s'attendait pas à autre chose que les mêmes têtes accoutumées à rincer les pintes en nocturne. Il ne fut pas déçu en voyant les trois derniers habitués occupés à refaire le monde autour d'une bière à la table du fond. Se dirigeant alors vers le comptoir, le professeur de Botanique retroussa les manches de sa chemise marron. Assis et accoudé au bar il regarda le barman tout en faisant un léger geste de la main.

- Salut Jace, la même que d'habitude s'il te plaît. Whisky double sans glace.

L'Ecossais, heureux d'être arrivé à destination et finir calmement sa journée dans la douceur enveloppante du pub, attrapa son verre de whisky et en bu une première lampée. Le liquide ambré coulant dans sa gorge laissait en lui une chaleur douce et pénétrante. Elle accompagnait avec délicatesse, la détente amorcée par le professeur de Botanique. Il rêvait. Il rêvait à sa passion et à sa serre N°4.Son petit havre végétal dans lequel grandissaient, vivaient, profitaient tout un tas de plantes aussi importantes pour lui les unes que les autres. Quel bonheur de savoir qu'il pouvait leur offrir une vie loin de tout danger et loin de toute contrainte.

Reprenant ses esprit, il remarqua avec étonnement, un carnet qui devait sans doute appartenir à Jace et trois fleurs en dépassaient. Glissant machinalement le carnet vers lui, sans en détailler le contenu, il se saisit très délicatement des trois fleurs qu'il posa devant lui. Faisant bien attention de ne rien abîmer et d'éloigner son verre, William souriait.

- Bah écoute oui ça va plutôt bien et toi ? Tu ne m'avais pas dit que tu t'intéressais aux plantes ! Alors attends laisse moi deviner, ça n'est pas très compliqué.

Regardant tour à tour les végétaux, il se mit à énoncer machinalement leur nom avec une certaine fierté dans sa voix.

- Avec les fleurs blanches, c'est un Perce-neige. Avec les feuilles vertes séquées, c'est une Rue odorante et la dernière fleur rose, c'est un Gerbera ! C'est une drôle d'association par contre ! Elles n'ont pas du tout les mêmes conditions de croissance, ni les mêmes saisons de floraison !

L'étonnement et la stupéfaction du barman devant la réaction machinale de William de faire l'inventaire floristique des échantillons végétaux qu'il avait à porté avait légèrement surpris le botaniste. Cette réaction cachait peut-être un plus grand secret. Peux nombreuses étaient les réactions aussi fortes à cet exercice si habituel pour l'Ecossais. De nombreuses questions découlèrent de ses diagnoses pour son plus grand plaisir.

- Nan, sérieux Jace ne t'en fais pas au contraire, ça me fait plaisir ! dit-il en vidant son verre. Tu me remettrais la petite sœur en même temps s'il te plaît ?

Les plantes toujours installées devant lui appelaient à de plus amples présentations. L'atmosphère calme et feutrée de la soirée aidait à poser un cadre plus calme et propice aux échanges. Les habitués bavassaient dans leur coin et ne pouvaient entendre ce que William allait expliquer.

- Le Perce-Neige, Galanthus nivalis, est aussi appelé la Goutte de Lait. C'est une plante principalement présente en Europe et dans les îles Britanniques. Elle fleurit en Janvier et Février principalement. C'est un symbole d'espoir dans les légendes païennes et chrétiennes.

Le botaniste pointait maintenant la plante verte.

- La Rue odorante est un arbrisseau particulier qu'on cultivait généralement pour son odeur forte et ses propriétés médicinales. Mais c'est une plante toxique et sa sève est assez dangereuse pour le corps. A petite dose, les feuilles séchées sont un bon tonique pour le sang et on l'utilisait avant pour éloigner les vipères et les chats. Elle fleurit en été et on la trouve autour de la Méditerranée. Et un truc qui pourrait te servir dans ton métier... Elle est fait partie des plantes utilisées pour aromatiser la Grappa en Italie.

William pointa finalement la fleur aux pétales roses.

- Le Gerbera est une plante qui fleuri de Mai à Juillet. C'est un symbole de joie, de gaité et de profondeur des sentiments. Maintenant on en trouve partout, c'est une plante ornementale très utilisée mais la plupart des espèces sont originaires d'Amérique, d'Afrique et de Madagascar. Voilà pour ces trois plantes.

Jace venait de resservir un verre à l'Ecossais avant de prendre en note tout ce que le botaniste expliquait. Sans trop marquer son étonnement, le jeune trentenaire se demanda tout de même le but de toutes ces questions et l'origine de cette inquiétude. Jace avait le visage marqué. William savait qu'il était foncièrement gentil et ça lui avait joué bien des tours mais une fois de plus il serait là. Il voulait vraiment être là pour ses amis.

- Jace, la Rue c'est une plante qui symbolise la peine, les regrets, les remords.

Le barman enchérit en levant le voile qui masquait l'origine de cette angoisse apparente : une missive mystérieuse refaisait surface et avec elle un grand nombre de questions.

- Attends Jace. On n'est même pas sûr que cette lettre n'est pas une très vieille lettre oubliée puis perdue et qui n'arrive que maintenant. Et quand bien même elle aurait été envoyée il y a deux semaines, Comment tu peux être sûr que...

Laissant sa voix s'éteindre dans un silence réflexif, le botaniste reprit une gorgée de Whisky.

- Il est mort de quoi ton oncle ? Et quand tu dis très jeune c'est à quel âge ? Il devrait avoir quel âge maintenant ?

Les questions commençait à agiter l'esprit du professeur. Il aimait ça les énigmes et les mystères mais avant tout, il ne laisserait pas son ami sans un coup de main de sa part.

C'était décidément vrai. Le barman avait donné à lire et à inspecter la lettre qu'il avait reçu au Forester et ce dernier avait pu constater que tout ce qui avait été conclu par Jace était vrai. Un parchemin en bon état mais vieilli et qui ne souffrait pas de doute sur son authenticité.

Buvant coup sur coup de nombreuses gorgées d'eau, son ami semblait avoir la gorge sèche. Le botaniste le comprenait. Il n'aurait pas pu en être autrement compte tenu de la nature de son histoire et de ce qu'il était arrivé à William Herondale.

- Mort à l'âge de six ans tu dis... C'est vraiment curieux que tu reçoives cette lettre maintenant du coup.

Le Forester finissait son verre d'une traite tout en se demandant s'il ne pouvait trouver un indice sur la provenance de la lettre où s'il pouvait trouver un indice sur la localisation du mystérieux commanditaire.

- Est-ce que tu pourrais m'en servir un autre s'il te plaît ? Par contre j'ai une question. Tu crois qu'on pourrait savoir d'où est partie la lettre en cherchant avec les plantes ? Leurs occurrences, leur répartition géographique ?

Le naturaliste se réjouissait de voir les connaissances en Botanique de Jace. Sa préoccupation était grande cependant et cela se faisait sentir. Ne trouvant pas de solution logique à l'existence de cette lettre, à la teneur des propos qui y étaient écris et à la nature des plantes qui l'accompagnaient, le jeune homme se perdait en conjectures. Mais la dernière phrase qu'il avait donnée, la dernière pensée qu'il avait livré, soulevait un autre mystère dont le Forester ne trouvait d'explication.

- Ecoute Jace, pour moi ton analyse est bonne. Des plantes européennes, après elles sont assez communes mais leur origine est bien européenne. Mais le Gerbera vient fausser la piste. C'est vrai que la plupart des espèces de cette famille de plante sont originaire d'Afrique. Mais ce n'est pas nécessairement l'Espagne.

Le botaniste essayait de se rappeler des écrits qu'il avait pu lire, tant de moldus que de ses confrères sorciers.

- Ecoute Jace, la migration du Gerbera en Europe a été le fait d'humains et trois voies ont été empruntées. Dis moi si une de ces trois voies te dit quelque chose. Il y a eu l'Espagne effectivement mais aussi la Sardaigne et l'Italie. Mais ce n'est pas tout, il y avait aussi la mer Egée par les îles Karpathos et Amorgos.

Espérant que ces noms évoqueraient quelque chose à son ami, William plongea le nez dans son verre pour en humer le parfum tout en réfléchissant.

L'explication que fournissait le barman était le reflet de son inquiétude. Il cherchait en tout sens des liens. Ses réflexions mêlaient connaissances, réflexions et hypothèses tout en laissant percer quelques détails qui faisaient réfléchir le botaniste. Cyprius, le grand-père de Mirabelle.


- Cyprius c'est cela ? Et il a disparu donc. Tu sais où il vivait ?

A peine eu-t-il fini de poser sa question que Jace reprit de plus belle avec une révélation particulièrement inquiétante. William n'attendais plus de réponse pour le moment à sa question précédente et il tenta de le faire comprendre en rapprochant son buste du comptoir. Il s'approcha du jeune homme pour marquer sa connivence avec ce dernier. Après tout, la salle s'était vidée et il ne restait que deux vieux hommes en train de finir leur boisson. Ils n'allaient pas tarder à partir et n'avaient pas besoin de connaître la nature de leur conversation.


Rompant le silence qu'il avait garder jusque là, le jeune homme regarda son ami avec un air grave.

- Oui c'est assez... curieux comme coïncidence et un tel comportement est loin d'être anodin. L'urgence dans la situation n'est pas la lettre mais cette silhouette que tu sens t'épier. Il nous faut trouver qui c'est. Nul doute que cela fera avancer notre petite affaire.

S'étant entendu prononcer sa dernière phrase, le Forester leva brièvement ses sourcils.

- J'espère que tu ne m'en veux pas Jace. J'ai dis "Notre" petite affaire parce que je souhaite réellement t'aider. Est-ce que tu sens qu'elle pourrait être pas loin ? Si c'est le cas, je peux sortir en même temps que les deux gus derrière et faire comme si j'étais un client qui rentrait chez lui. Et si elle est bien là, je l'attrape fermement. Si elle transplane, de toute façon, elle ne pourra le faire sans moi et je ne la lâcherais pas. Tu en dis quoi mon ami ? Si tu as un autre plan, je te suis !