La pluie tambourinait sur les carreaux. Le climat Irlandais, imprévisible, comme à son habitude, jouait avec ses nerfs depuis quelques jours. Ne pouvant profiter de l'air des montagnes, elle s'était réfugiée dans la pièce qui lui servait de bureau, devant l'immense baie vitrée, où le paysage verdoyant s'étendait à perte de vue.

Comme à son habitude les jours de pluie, elle avait parcourue la bibliothèque en quête de sa prochaine victime : sans succès. Son dernier travail de peinture attendait toujours dans un coin, lui aussi délaissé par l'humeur maussade de la jeune femme. Le temps semblait tourner au ralentis, ce qui ne faisait que l'exaspérer encore plus.

Hope commença à se ronger les ongles, une vieille habitude, quand son regard dériva sur le diamant qui brillait à son annulaire gauche. Elle avait rencontrer celle qui deviendrait bientôt sa femme il y a plus de 10 ans. Au début, elles n'étaient que deux gamines solitaires qui appréciaient la compagnie de l'autre. Puis les années avaient passer. Hope avait perdu sa famille et ce drame les avait rapproché. Depuis lors, elles ne s'étaient plus quittées. À la fin de leurs études, alors que les parents de la jeune femme déménageaient à l'autre bout du globe, elles avaient décider d'emménager ensemble dans la demeure familiale, Hope ne pouvant se résoudre à retourner dans le manoir de ses parents. Depuis, deux longues et belles années s'étaient écoulées. Et il y a environ 6 mois, juste avant son 20ème anniversaire, Hazel lui avait demander de l'épouser.

Hope n'avait pas hésiter quant à sa réponse. Sa compagne avait été présente pour elle dans les pires moments de son existence et un futur sans elle à ses côtés lui paraissaient inconcevable. Pourtant, au fur et à mesure que les semaines s'égrenaient, l'ancienne Poufsouffle ne pouvait s'empêcher de penser que toute cette histoire était aller beaucoup trop vite.

Alors qu'une goute de sang perlait au coin de son doigt, tout bas, elle se murmura à elle-même, ôtant la bague pour la faire tourner entre ses doigts.

« Et si tout ça était une erreur ? »

La jeune femme sursauta en entendant la voix de sa compagne. Un sentiment fugace de peur lui broya les entrailles. Depuis combien de temps l'écoutait-elle ? Hope composa un sourire parfait sur son visage, comme sa tutrice le lui avait appris et se tourna vers elle, s'approchant.

« Je ne t'avais pas entendu arriver ! Je te rejoins tout de suite. »

Hope rangea quelque peu son bureau avant de se diriger vers la salle à manger. Comme tous les jours, Avise les avait gâter, leur proposant un petit-déjeuner divers et varié. En ce moment, son estomac n'était pas en grande forme, mais la gourmandise avait toujours été son défaut et Hope se servit une assiette débordante, évitant le regard de sa compagne autant qu'elle le pouvait. Malheureusement, elles n'étaient que deux dans ce manoir et elle ne put pas l'éviter bien longtemps. S'éclaircissant la voix, Hope pris la parole.

« Nous avons reçu du courrier ? Dit-elle en attrapant la petite pile près de la De Martel. Elle ajouta, J'ai fait envoyer les faire-part la semaine dernière par Avise. »

La plupart des courriers étaient en effet des réponses quant à leur invitation. Hope fut peinée de voir que sa soeur biologique déclinait l'invitation, ne pouvant se libérer pour la date prévue. Son travail lui prenait énormément de temps et elle se trouvait à l'autre bout du monde. Malheureusement, depuis la mort de leur soeur cadette, les relations entre Hope et Nora avaient radicalement changées. Son frère quant à lui, se réjouissait de la nouvelle et prévoyait de passer quelques semaines en Angleterre, en compagnie de sa femme et de sa petite fille. Hope n'avait pas encore eu l'occasion de rencontrer sa petite nièce et cette nouvelle lui réchauffa le coeur.

Elle ouvrir une à une les réponses, pour la plupart positives, jusqu'à ce qu'un nom attire son attention. Umbra Santos. Aussi loin qu'elle se souvienne, elle n'avait pas connaissance d'une personne de ce nom, que ce soit dans son entourage, ou celui de sa fiancée.

« Qui est Umbra Santos ? Nous venons de recevoir sa réponse. »

La jeune femme ne fut presque pas étonnée de savoir qu'Hazel lui avait cacher l'existence de sa tante étant donné qu'après 10 ans de relation elle n'avait pas encore eu la joie de rencontrer sa belle-famille. Hazel était très secrète à ce propos ce qui avait tendance à irriter profondément Hope.

Sa famille avait toujours été dysfontionnelle. Issue d'une aventure d'un soir entre sa mère et un ancien professeur, Hope avait grandit dans une fratrie aimante jusqu'à la mort de sa petite soeur, de sa main. À l'époque, la magie ancienne qui coulait dans ses veines, responsable de ce terrible accident n'avait pas encore été découverte et ses ainés s'étaient retournés contre elle.

Quelques années plus tard, son père adoptif et sa mère biologique furent assassinés, bien que la vérité sur son ascension fut dévoilée au grand jour, cette nouvelle perte d'être chers rassembla la fratrie. Même si une blessure a jamais sanglante noircirait à jamais leur relation, la sagesse des années amena avec elle le pardon et la confiance. Yann et Nora avaient de nombreuses fois rencontrer Hazel, tout comme Camille et Catherine, sa famille d'adoption, l'avaient fait.

« Oui oui, ce sera très bien. Répondit-elle pensive. Je ne suis pas très dessert, tu le sais, fais comme tu préfères. »

Se levant paresseusement, Hope traina les pieds jusqu’au buffet où elle avait organisé un coin dédié aux préparatifs du mariage. Elle passa en revue la liste des invités jusqu’à tomber sur la Santos et y inscrit sa réponse. Alors qu’elle allait ranger la liste, une sensation étrange la fit tiquer. Une nouvelle fois, elle parcourut du regard les noms qu’elles avaient chacune ajoutés avant de se rendre compte de ce qui aurait du lui sauter aux yeux des le début.

« Hazel, commença-t-elle calmement, pourquoi est-ce que tes parents ne sont pas inscrits sur la liste des faire-parts envoyés ? »

Un ange passa. Si elle avait pu se voir dans un miroir, elle aurait sûrement remarqué que les couleurs avaient déserter son visage. Son sang ne fit qu'un tour alors qu'elle se retournait vers sa fiancée, le regard mauvais.

« Je te demande pardon ? J'espère que c'est une vaste blague Hazel. »

Lorsqu'elles s'étaient connues, des années plus tôt au détour d'un couloir de leur salle commune, elles s'étaient très vite liées. Elles avaient vécues ensemble les bons comme les mauvais moments et bien que son double cursus à Beauxbâtons les eu séparées quelque peu, c'est naturellement qu'elles s'étaient ouvertes l'une à l'autre sur leurs histoires respectives. Les parents d'Hazel n'avaient jamais été tendre avec elle, et d'autant plus quand elles eurent terminés leur cursus. Pourtant la jeune femme avait eu espoir que sa compagne cesse de vivre dans le passé. L'avenir leur souriait et pendant un temps tout avait semblé rentrer dans l'ordre. Les paroles s'envolaient aussi rapidement qu'elles étaient dites.

« TU m'avais promis. On s'était mises d'accord. Un nouveau départ. Ce sont tes parents bordel. Notre mariage ! Elle sentait la colère monter, tandis que son pouvoir bourdonnait dans ses oreilles, prêt à sortir. 10 ans que je partage ta vie. 10 ans que JE fais des concessions et que je ne cherche pas à comprendre ce que tu souhaites tant me cacher. 10 ans que JE me plie en quatre pour améliorer mes relations familiales, que je t'ouvre mon coeur. 10 années pendants lesquelles TU as fui toute discussion concernant ta famille ! Et quand tu m'as demandé en mariage, tu m'as promis de faire des efforts. De mettre les vieilles rancoeurs de côté. Pour nous, pour avancer. Pour notre futur. Des paroles en l'air, encore ? »

La colère laissa la place aux larmes. Le ciel s'était mis à gronder, en réponse au pouvoir qui circulait dans ses veines. Serrant le dossier de sa chaise, ses articulations devenant douloureuses, l'ancienne Poufsouffle fixait sa compagne.

Les larmes lui voilaient les yeux, tandis qu'elle pointait un doigt accusateur sur la De Martel. Toujours les mêmes excuses et même si sa compagne lui avait promis de changer, de faire des efforts, elle constatait désormais que ce n'étaient que des paroles en l'air pour lui faire plaisir.

« Comment est-ce que je ne pourrais pas connaître l'histoire de la pauvre Hazel qui a hériter d'une fortune et d'un manoir gigantesque à la sortie de ses études ? Cette même personne qui a aussitôt fui jusqu'à la Nouvelle-Orléans, pendant des semaines sans me donner un seul signe de vie et qui est finalement rentrée comme une fleur sans vouloir ne serait-ce que m'expliquer les raisons de ce départ. La voix devenue tremblante, elle continua. Je n'avais aucune idée de ce qui était arrivée à ta grand-mère. Je ne savais même pas que tu avais une tante. Tu n'as partagé de ta vie que quelques miettes dans l'espoir de contenter ma curiosité. Alors ne t'avises pas de me reprocher de te faire la morale alors que je marche sur des oeufs depuis toujours en ce qui concerne ta vie. »

Sa voix se brisa. Entendre la peine dans les propos de sa compagne faisait saigner son coeur, mais c'était le ton qu'elle employait à son égard, les reproches, qui lui faisaient le plus mal. En reniflant, elle laissa échapper un petit ricanement, de stupeur ou de dépit sûrement.

« Comment est-ce que tu peux me dire, toi plus que toute autre personne, que j'ai fait du ménage dans ma vie et mes relations ? Je n'ai personne mis à part Camille. Ma petite soeur est morte, de ma main. Je n'ai plus avec mes ainés que des relations minimes depuis ce jour là. Et même si les choses se sont quelque peu arrangées depuis quelques années, notre famille n'en est plus une. J'ai tout perdu Hazel, tu étais là. Mais je t'ai soutenue. Et maintenant tu me fais des reproches ? Elle chuchota presque. Peut-être que je n'ai pas fait assez de ménage dans ma vie, comme tu le dis. »

D'un rapide coup de main, Hope essuya ses joues mouillés en reniflant. Elle monta rapidement les escaliers, fourra quelques affaires dans un petit sac et rejoignit la cuisine pour donner des instructions à Avise. Hazel était toujours plantée dans la salle à manger, la regardant sans un mot. Au moment où elle attrapa son manteau sa compagne esquissa un mouvement, Hope répondit aussitôt.

« Je suis attendue à Poudlard. À demain. »

Elle disparut en un coup de vent pour se retrouver à Pré-au-Lard. Rapidement, elle emprunta un des nombreux passage secret qui menait directement au château et se rendit directement dans son bureau, où elle s'effondra, loin des regards de tous.

Finalement, une semaine passa avant que Hope retourne séjourner au Manoir De Martel. Une semaine pendant laquelle elle avait investie son bureau et sa chambre à Poudlard, travaillant d'arrache pied pour oublier tout ce qui pouvait lui faire penser à leur dispute.

Aujourd'hui, elle avait fini assez tôt et s'était rendue dans la demeure pour récupérer quelques affaires de plus. Hazel ne semblait pas être présente, à en juger par le calme ambiant des lieux. La maison était plongée dans le noir, les gros rideaux opaques qui ornaient les fenêtres étant tous tirés. En soupirant, Hope ne pu s'empêcher d'aller tirer les rideaux et ouvrir les carreaux, de quoi faire rentrer une brise fraîche dans le salon.

« Par Merlin pourquoi tout est-il fermé ici ?! »

A peine eut-elle prononcer ces mots qu'Avise, la petite elfe, se matérialisa près d'elle.

« Maîtresse Hope ! Quelle joie de vous revoir ! Pardonnez le désordre, mais maîtresse Hazel m'as interdit de m'occuper du salon depuis votre départ. Je n'ai même pas eu le droit de m'occuper de cette vilaine tâche sur le tapis. »

L'ancienne Poufsouffle baissa les yeux sur le tapis en question. Elle n'y vis rien d'anormal au premier regard, jusqu'à discerner quelques tâches de sang éparpillées ça et là. Qu'est-ce qu'Hazel avait bien pu faire ? Alors qu'elle relevait la tête et posait son regard sur la petite elfe, Hope aperçut son coin mariage sur la commode non loin.

« Avise, peux-tu t'occuper d'aller récupérer mes affaires à Poudlard ? Je vais m'occuper de cette tâche et ranger un peu en attendant qu'Hazel rentre du travail. Elle baissa la voix, parlant surtout pour elle-même. En espérant que la discussion puisse se dérouler sans accroches cette fois-ci. »

Après avoir remis la maison en état, la jeune femme s'était préparée un petit goûter et s'en délectait installée sur le confortable sofa. Elle entendit des voix étouffées puis la porte du salon s'ouvrir doucement. Hazel était rentrée.

« Plutôt bien. Et toi ? »

On entendait seulement les craquements de la maison et leurs respirations. Le silence, qu'elle avait toujours apprécié, était désormais plus que pesant. Le regard d'Hazel, lourd de sens, pesait lui aussi sur ses épaules.

« Ma semaine a été mouvementée. Je passais juste en coup de vent récupérer quelques affaires.. Mais j'ai décider de rester. Fuyant le regard de sa fiancée, Hope changea bien vite de sujet. J'ai fait nettoyer et aérer toute la maison. Nous avons reçu quelques nouvelles réponses pour le mariage. Et j'ai fait de la brioche, tu en veux ? »

Ce serait donc la fuite. Peut-être pas la meilleure des approche, mais elle avait besoin de mettre les choses à plat et d'avoir une discussion franche avec la De Martel. Toutefois, le moment était quelque peu mal choisi. La sorcière pourrait patienter encore un peu. Mais pas indéfiniment.

La sorcière fut soulagée de voir que sa compagne tendait également à fuir l'ambiance gênante qui s'était installée quelques secondes plus tôt. Elle lui offrit un sourire réconfortant en lui servant une part de brioche.

« Toi aussi... Mais ne parlons plus de cette histoire pour l'instant dit-elle en s'approchant de sa compagne pour déposer un baiser sur ses lèvres, on a besoin d'avancer. Mais notre discussion n'est pas terminée. »

Les jours et semaines passèrent, presque comme si rien ne s'était passé. Presque. Les conversations entre les deux jeunes femme se faisaient de plus en plus rare et elles ne restaient pas assez longtemps dans une même pièce quand elles se croisaient pour avoir une conversation posée. À plusieurs reprises Hope tenta d'engager la discussion qu'elles avaient laissées en plan mais Hazel finissait irrémédiablement par se réfugier dans son bureau, prétextant du travail en cours.

Rien de bien surprenant finalement puisque cela avait toujours été le mode opératoire de la De Martel. Après quelques années ensemble, Hope avait cru voir de nouvelles facettes de sa fiancée s'ouvrir mais elle retombait toujours dans ses vieilles habitudes. Ce soir là, après avoir une fois de plus finie de diner en tête à tête avec elle-même, Hope regardait sa bague de fiançailles, le coeur lourd. C'était donc ça, son quotidien présent et futur avec la femme qu'elle aimait et qu'elle allait épouser ? C'est donc ça qu'elle vivrait chaque jours, entourées de leurs futurs enfants ? Est-ce que c'était seulement ce qu'elle voulait ?