Le repas devait s'être terminé, se disait Violette. Elle n'assistait pas souvent aux repas dans la Grande Salle, préférant le silence de son propre bureau, et la vue bien plus sympathique de l'intérieur qu'elle avait décoré avec goût, plutôt que celle de plusieurs centaines de gamins braillards. Ainsi se basait-elle sur le remue-ménage que faisaient les élèves dans les couloirs pour rejoindre leurs salles communes pour déterminer l'heure de la soirée. Un coup d'œil à l'horloge confirma sa suspicion.
Est-il trop tard pour déranger un professeur ?, se demandait-elle en remettant de l'ordre dans sa tenue, préparant des piles de documents et l'énorme livre qu'elle venait de consulter sur son bureau, prêts à être invoqués par la magie si besoin, une fois Violette à l'autre bout du château. Elle avait un peu perdu de nez les conventions sociales qui s'appliquaient au personnel de Poudlard. Elle n'en faisait que vaguement partie, après tout. Briseuse de Sorts, voilà un titre qui voulait tout et rien dire, dans un lieu comme Poudlard qui avait été exploré quasiment de fond en comble. On lui demandait de temps en temps d'intervenir dans des lieux inutilisés par les élèves, où une malédiction semblait avoir été posée par un professeur particulièrement hargneux, avec des conditions d'activation si particulières que sa magie n'avait commencé à faire effet qu'à peine 300 ans plus tard, vu l'état de délabrement du lieu.
Sa tenue était correcte. Un tailleur pantalon prune, ses cheveux en carré, sa baguette rangée dans sa manche. Élégant mais fonctionnel. Elle sortit de son appartement, et se dirigea vers les appartements de son futur interlocuteur nocturne.
C'est monsieur Dresden, le professeur d'Astronomie, qu'elle allait déranger. Passait-il sa soirée à observer les étoiles ? Préférait-il se plonger dans des lectures frivoles ? Corrigeait-il ses copies jusqu'à ce que toutes les bougies du château s'éteignent ? Pour être tout à fait franche, Violette n'en avait strictement rien à faire. Elle avait besoin de lui, et s'il ne lui était pas utile, les détails de son existence n'avaient aucune importance pour la sorcière. Elle espérait peu de cet homme qu'elle ne connaissait pas. Elle avait eu vent de ses recherches en cosmologie et en astronomie, et s'était demandée si poursuivre une piste cosmique valait la peine. Pourquoi pas, après tout. Cela faisait plus de dix ans qu'elle s'échinait à réveiller Daniel. Elle n'abandonnait pas. Elle n'abandonnerait pas. C'était trop de temps perdu pour s'arrêter à un échec. C'était un affront à son intellect et à sa patience. Elle était Violette Beauchamps, pas n'importe quelle sorcière des bas-fonds du monde magique ! Son esprit tempêtait à nouveau. Un bon orage, voilà qui lui aurait fait du bien.

Arrivée devant la porte de ce qu'elle pensait être le bureau ou l'appartement du professeur Dresden, Violette frappa deux coups secs sur le linteau. Elle espérait qu'il soit là, d'une part, mais elle espérait aussi être au bon endroit, d'autre part.